(Ottawa) Après le gouvernement fédéral et celui du Québec, le gouvernement de l’Ontario dépoussière à son tour sa loi linguistique, la Loi sur les services en français, adoptée en 1986.

La ministre responsable des Affaires francophones de l’Ontario, Caroline Mulroney, propose, dans une réforme fort attendue de cette loi par les Franco-Ontariens, d’élargir l’accès à des services en français dans un plus grand nombre de points de service à l’échelle de la province et de rendre obligatoire une révision de la loi tous les 10 ans.

En outre, le gouvernement Ford exigera des organismes gouvernementaux et des ministères dans les régions désignées qu’ils garantissent que les services en français soient accessibles sur-le-champ en appliquant le principe de l’« offre active ». Autrement dit, les employés de ces organismes et ministères auront l’obligation de dire aux usagers, dès la première communication, qu’ils peuvent être servis en français ou en anglais. À l’heure actuelle, les francophones doivent le plus souvent en faire la demande eux-mêmes.

Ces obligations s’appliqueront aussi aux tierces parties qui fournissent des services au nom du gouvernement dans les 26 régions désignées par la loi.

Effectifs bilingues

Dans sa réforme, le gouvernement Ford s’engage d’ailleurs à redoubler d’ardeur pour recruter des effectifs bilingues afin d’élargir l’espace francophone dans la province, a indiqué la ministre Caroline Mulroney en entrevue avec La Presse. La main-d’œuvre est, selon elle, le principal obstacle à la livraison de services en français.

Il est donc crucial d’augmenter le bassin de travailleurs francophones et bilingues qualifiés en mettant l’accent sur la formation et le recrutement, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la petite enfance.

À ce titre, l’Ontario entend travailler avec le gouvernement fédéral afin de créer des « corridors d’immigration francophone » et de faciliter la reconnaissance des certifications professionnelles, qui demeure un obstacle pour les immigrants qui ont une formation dans leur pays d’origine, mais ne peuvent travailler dans leur secteur d’expertise.

La modernisation de la Loi sur les services en français, promise par le Parti conservateur durant la campagne électorale de 2018, fait partie de l’énoncé économique présenté jeudi à Queen’s Park par le ministre des Finances Peter Bethlenfalvy. Elle est présentée au moment où une tempête linguistique fait rage au Québec à la suite des déclarations du président d’Air Canada, Michael Rousseau, qui a fait peu de cas de l’importance d’apprendre le français après 14 ans au Québec à la suite de son discours prononcé devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain mercredi.

« Pour les francophones de l’Ontario, ce projet de loi constitue la fondation de l’accès à des services en français qu’ils ont à travers la province. Et c’est la première fois en 35 ans que la loi est modernisée. C’est un élément très important. C’est fait dans le but d’améliorer la qualité et l’accès aux services en français », a dit la ministre Mulroney.

Mme Mulroney a indiqué que cette importante réforme, concoctée après la tenue de consultations auprès des francophones, serait adoptée avant les prochaines élections provinciales prévues en juin.

« Absolument. J’ai promis au début de mon mandat de moderniser la Loi sur les services en français. On a commencé le travail et, ensuite, il y a eu la pandémie. Mais nous avons fait des consultations même en temps de pandémie. […] En plus de moderniser la loi, je propose toute une stratégie pour recruter des effectifs bilingues. La qualité des services, ça dépend beaucoup de la disponibilité de la main-d’œuvre. »

Un ministère à part entière

Parmi les autres mesures, le gouvernement entend formaliser la transformation de l’Office des affaires francophones en un ministère des Affaires francophones en bonne et due forme. Et son titulaire aura le mandat, en vertu de la loi, de faire la promotion des affaires francophones et des services en français dans la province.

Tous les ministres du cabinet devront d’ailleurs lui rendre des comptes une fois l’an sur les progrès de la mise en œuvre de la nouvelle loi dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental.

L’idée de rendre obligatoire une révision de la loi tous les 10 ans permettra de s’assurer qu’elle répond adéquatement aux besoins changeants de la communauté franco-ontarienne, a fait valoir Mme Mulroney, qui est aussi ministre des Transports de l’Ontario.

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) ont accueilli favorablement la réforme de la Loi sur les services en français.

« Que ce soit par la création de la Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario, le financement de la première université gérée par et pour les francophones, ou la proposition de refonte de la Loi sur les services en français, nous constatons que la ministre Mulroney apporte des changements structurels importants contribuant à solidifier la place du français et à élargir l’espace francophone en Ontario », a dit le président de l’AFO, Carol Jolin, dans un communiqué de presse.

« La proposition du gouvernement ontarien donne un pouvoir important à la ministre de désigner des services en français, à tous les niveaux, dans des régions non désignées. Nous avons hâte de voir son impact concret sur notre communauté », a déclaré MMarc Sauvé, président de l’AJEFO.