(Ottawa) Erin O’Toole assure que le caucus conservateur est uni derrière son leadership.

Mais peut-il être aussi confiant vis-à-vis la base de son parti ?

La réaction d’une poignée d’organisations tierces, qui représentent des pans entiers de fidèles conservateurs, suggère que la réponse est probablement non.

« S’ils continuent de jeter leur base sous l’autobus, il n’y aura personne dans l’autobus », a illustré Sheldon Clare, président-directeur général de la National Firearms Association, ajoutant qu’il demeurait un membre conservateur « pour le moment ».

Les propriétaires d’armes à feu et leurs avocats faisaient partie de ceux qu’Erin O’Toole a courtisés les deux fois où il s’est présenté à la direction du parti, d’abord en 2017 et de nouveau l’année dernière, lorsqu’il a été élu.

M. Clare dit que la communauté a réagi avec choc, colère et dégoût lors de la campagne électorale fédérale de septembre, lorsque M. O’Toole est revenu sur sa promesse d’abroger l’interdiction des libéraux visant quelque 1500 modèles d’armes à feu qualifiés d’« armes d’assaut ». Face aux attaques des libéraux, M. O’Toole a annoncé qu’il soumettrait l’affaire à un examen – en insérant même une note de bas de page dans la version en ligne de sa plateforme.

M. Clare dit que le mécontentement parmi les partisans et les propriétaires d’armes à feu s’est intensifié depuis les élections, étant donné qu’aucune autre explication ou clarification n’a été fournie sur « une déclaration de politique solide qui a été renversée, presque sur un coup de tête ».

« J’ai entendu de nombreuses inquiétudes au sujet de la direction du Parti conservateur », a dit Rod Giltaca, PDG et directeur général de la Coalition canadienne pour les droits aux armes à feu.

« À savoir si c’est une option viable pour les propriétaires d’armes à feu et d’autres personnes qui croient aux droits de propriété ou aux droits de la personne fondamentaux. »

Le chemin que les conservateurs décident de suivre au moment où le premier ministre Justin Trudeau entame son troisième mandat est au cœur d’une nouvelle campagne lancée par la Coalition nationale des citoyens (CNC), un groupe autrefois dirigé par un jeune Stephen Harper, avant ses années à titre de chef conservateur, puis, plus tard, premier ministre.

La campagne met l’accent sur la nécessité de revenir à la promotion de « valeurs conservatrices », telles que la liberté et la réduction du gouvernement.

« Si vous êtes une version allégée des libéraux, les gens vont plutôt voter pour les vrais libéraux », a souligné le président de la CNC, Peter Coleman.

D’autres critiques ont souligné l’adoption par M. O’Toole de la tarification du carbone et son plan de continuer à accumuler des déficits massifs pendant une décennie comme exemples d’un leader s’écartant de l’orthodoxie conservatrice.

Les critiques comprenaient un membre du conseil national du parti, qui a été suspendu par des collègues après avoir lancé une pétition en ligne pour que M. O’Toole soit relevé de ses fonctions de chef du parti et pour que les membres puissent voter sur sa direction plus tôt que 2023 comme prévu.

Certains des plus virulents opposants à M. O’Toole viennent de l’aile sociale-conservatrice du parti, un groupe bien organisé qu’il a fait un effort pour séduire pendant sa campagne à la direction.

Pour ce faire, il a promis de légiférer sur la protection des professionnels de la santé qui ne veulent pas référer des patients pour des services auxquels ils s’opposent moralement, comme l’avortement ou l’aide médicale à mourir. Une fois que la campagne fédérale a commencé et que M. O’Toole a été confronté à des questions concernant cette promesse, il a semblé abandonner cet engagement.

« D’après les commentaires que nous avons reçus des partisans de notre organisation concernant le leadership de M. O’Toole, il ne serait pas exagéré de dire que l’extrême majorité serait heureuse s’il y avait une course à la direction », a déclaré Scott Hayward, cofondateur de RightNow, une organisation qui travaille à élire des candidats antiavortement.

M. O’Toole a également attiré des critiques sur sa façon changeante de se présenter.

Il s’est en effet d’abord présenté comme le « vrai candidat bleu », pour convaincre les partisans du parti. Puis, une fois devenu chef conservateur, il a souligné la nécessité d’être plus modéré et progressiste afin de gagner plus de sièges dans les champs de bataille électoraux cruciaux de l’Ontario et du Québec.

La façon d’équilibrer les désirs et les croyances de la base du parti — fortement concentrée dans les Prairies, comme son caucus — avec la nécessité d’élargir l’attrait des conservateurs dans le centre du Canada et chez ceux qui se considèrent comme modérés a été le défi central pour M. O’Toole en tant que leader.

La porte-parole de M. O’Toole a nié qu’il y a des divisions dans les rangs.

« Les conservateurs du Canada forment une équipe unie », a écrit l’attachée de presse Josie Sabatino, ajoutant qu’ils se concentrent sur leur combat au Parlement contre « la montée en flèche de l’inflation, la relance de l’économie et l’opposition aux projets de loi de censure de Justin Trudeau ».

« Les conservateurs sont prêts », a-t-elle déclaré.

Mais M. Coleman a observé que M. O’Toole est « remarquablement silencieux » depuis la fin de la campagne, ajoutant que le conflit interne sur le soutien des conservateurs à l’obligation de vaccination, y compris pour leurs propres députés, a été une distraction.

Les conservateurs doivent gagner des sièges dans la région 905 de l’Ontario et attirer davantage les communautés de nouveaux arrivants comme ils l’ont fait sous Stephen Harper, a-t-il déclaré.

« On ne leur a donné aucune raison de voter conservateur. »

Alors qu’un examen postélectoral est en cours, le chef conservateur a déclaré à ses partisans que personne n’était plus déçu que lui qu’ils aient échoué en Ontario et subi des pertes dans des circonscriptions à forte population sino-canadienne.

En regardant les points positifs, il s’est vanté du fait que les conservateurs ont augmenté leur part des voix et remporté de nouveaux sièges dans le Canada atlantique, ce qui, selon lui, prouve que les choses vont dans la bonne direction.

Une majorité de son caucus semble vouloir garder M. O’Toole comme chef. Malgré cela, les députés ont voté pour se donner le pouvoir de revoir son leadership, ce qui ne se produirait que si 20 % d’entre eux signaient une lettre pour forcer un vote.