(Ottawa) Les néo-démocrates demandent au gouvernement fédéral de sévir contre les géants des médias sociaux à la suite des récentes révélations d’une ex-employée de Facebook.

Lors d’une conférence de presse à Ottawa lundi matin, le député néo-démocrate Charlie Angus a appelé Ottawa à établir un organisme de réglementation indépendant pour lutter contre la désinformation, les messages haineux et la transparence des algorithmes sur les plateformes numériques.

M. Angus dit que Facebook semble utiliser des algorithmes et l’intelligence artificielle pour privilégier « du contenu extrémiste et saper la démocratie », alors que l’entreprise est confrontée à un examen public sur la façon dont ses codages enflamment les discours et affectent l’estime de soi des utilisateurs.

La lanceuse d’alerte de Facebook, Frances Haugen, a déclaré devant un comité du Sénat américain plus tôt ce mois-ci que les plateformes de l’entreprise nuisaient au bien-être des enfants et alimentaient la polarisation aux États-Unis, une affirmation étayée par des recherches internes de l’entreprise divulguées au Wall Street Journal.

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La lanceuse d’alerte de Facebook, Frances Haugen

« Mme Haugen révèle que Facebook savait que ses algorithmes alimentaient du contenu haineux et conduisaient à une rupture de l’engagement civique », a déclaré M. Angus.

« Facebook a pris la décision de stimuler les profits en utilisant ses algorithmes au détriment du bien-être de ses utilisateurs », a-t-il ajouté.

Un ombudsman indépendant

M. Angus propose de créer un ombudsman indépendant responsable devant la Chambre des communes, semblable aux commissaires à l’éthique et à la protection de la vie privée du Canada.

M. Angus a affirmé que la législation, qui est morte au Sénat après le déclenchement des élections en août, équivalait à un « incendie de poubelle politique » et que des actions de l’organisme de réglementation des télécommunications à l’égard des algorithmes de Facebook apporteraient « une solution des années 1980 à un problème du 21e siècle ».

« Plutôt que de s’en remettre à des institutions désuètes comme le Bureau de la concurrence ou le CRTC [Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes], il est temps que le gouvernement fédéral mette en place un organisme de réglementation qui comprenne réellement ce dossier », a-t-il déclaré.

Le premier ministre Justin Trudeau s’est engagé à plusieurs reprises à réviser les règles relatives à l’internet lors de la campagne électorale fédérale du mois dernier.

M. Trudeau s’est engagé à présenter dans un délai de 100 jours une loi visant à lutter contre les discours haineux en ligne et les contenus incitant à la violence, à la suite de l’échec d’un projet de loi libéral visant à réglementer Facebook et d’autres plateformes.

Le plan libéral créerait un commissaire à la sécurité numérique pour appliquer un nouveau régime qui ciblerait la pornographie juvénile, le contenu terroriste, les discours de haine et d’autres publications préjudiciables sur les plateformes de médias sociaux. Les dents du régulateur seraient suffisamment acérées pour ordonner aux sociétés de médias sociaux de supprimer les publications dans les 24 heures.

De nombreuses grandes plateformes ont déjà des politiques qui prétendent respecter ou dépasser ces exigences, certaines cherchant à mettre en évidence ou à supprimer des informations trompeuses – sur les vaccins COVID-19, par exemple.

Les néo-démocrates et les conservateurs se sont demandé pourquoi un nouvel organisme de réglementation est nécessaire pour sévir contre le matériel d’exploitation alors que le Code criminel interdit déjà la pornographie juvénile, les discours haineux et la distribution en connaissance de cause d’images illicites.

M. Trudeau a en outre déclaré qu’il réintroduirait des dispositions du projet de loi C-10, qui est mort au Sénat en août après le déclenchement des élections. La législation visait à placer les géants mondiaux de la diffusion en continu comme Netflix et YouTube sous les auspices de la Loi sur la radiodiffusion, les obligeant à promouvoir le contenu canadien et à soutenir financièrement les industries culturelles canadiennes. Le régime est supervisé par le CRTC.

Le projet de loi a entraîné des mois de débat sur la question de savoir si sa réglementation des vidéos en ligne équivalait à une portée excessive des leviers du gouvernement, des défenseurs de la liberté d’expression critiquant le projet de loi et des membres de la communauté artistique le soutenant.

« Je pense qu’il est probablement préférable pour nous d’établir un agent du Parlement autonome – qui relève du Parlement, qui comprend la technologie, qui comprend les algorithmes – que de le confier au “schlimazel » qu’est le CRTC », a déclaré M. Angus, ajoutant que le projet de loi C-10 incluait de « bonnes idées » concernant l’application des règles de diffusion pour le financement aux grandes entreprises technologiques.

Facebook Canada dit continuer d’investir pour mieux combattre la désinformation et le contenu haineux. La société dit être disponible pour collaborer avec les élus pour l’élaboration de nouvelles réglementations encadrant les plateformes en ligne.

« Nous accueillons la réglementation et nous avons dit clairement qu’on demandait de nouvelles règles pour l’ensemble des entreprises technologiques. Ça fait 25 ans depuis que les règles encadrant internet n’ont pas été mises à jour et il est temps d’établir des standards pour l’industrie afin que les entreprises ne prennent pas elles-mêmes ces décisions », a soutenu la directrice des politiques chez Facebook Canada Rachel Curran dans une déclaration écrite.

Facebook contribue au financement d’une bourse pour la création d’un poste de journaliste à La Presse Canadienne.