(Québec) Le Québec poursuit sa lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs en injectant 19 millions $ sur cinq ans, somme qui servira à financer des organismes et des projets destinés à venir en aide directement aux victimes, conformément à l’esprit du volumineux rapport d’experts sur le sujet rendu public en décembre dernier.

Le gouvernement Legault ne s’engage pas pour autant à donner suite aux 58 recommandations formulées dans ce rapport étoffé sur l’exploitation sexuelle des mineurs, dans la plupart des cas de toutes jeunes filles aux mains de proxénètes sans scrupules.

Dix mois après le dépôt du rapport, le gouvernement Legault s’est approprié 17 recommandations des experts, soit 29 % du total de ce document qui devait, selon ses vœux, hisser la lutte à l’exploitation sexuelle des jeunes au rang de priorité nationale.

Au plan gouvernemental, le dossier a été confié à la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, qui a procédé à l’annonce mardi matin, accompagnée de la directrice du Projet intervention prostitution Québec (PIPQ), Geneviève Quinty, et d’une ancienne victime d’exploitation sexuelle, Clémentine, qui a réussi à s’en sortir et a préféré taire son nom de famille.

En conférence de presse, la ministre Guilbault a nuancé l’engagement précédent pris par le gouvernement de donner suite à l’ensemble des recommandations du rapport. La suite des choses paraît incertaine.

« Parfois on peut poser des actions, prévoir des mesures, qui vont donner suite d’une certaine façon aux recommandations, mais d’une manière qui n’est peut-être pas celle qui avait été prévue », a indiqué la ministre en conférence de presse, sans vouloir en dire davantage.

De son côté, Clémentine a tenu à raconter son histoire publiquement pour éviter que d’autres jeunes filles comme elle connaissent le même sort.

« Je pense que si vraiment on m’avait dit les “patterns” de ces gens-là, la manière dont ils fonctionnaient, si on avait plus de prévention, je pense sincèrement que cette situation-là aurait pu être évitée », a commenté la jeune femme, qui aurait apprécié être mieux accompagnée et mieux informée à l’époque, notamment par les policiers.

« Cela aurait pu faire une différence », selon elle.

Un plan d’action gouvernementale plus global, qui pourra se déployer sur plusieurs années lors d’un éventuel deuxième mandat, doit être déposé avant la fin de l’automne par Mme Guilbault.

Lors du dépôt du dernier budget, en mars, le gouvernement a mis de côté 150 millions $ pour contrer l’exploitation sexuelle des jeunes. En juin, la ministre Guilbault avait annoncé un investissement de près de 100 millions $ pour financer le volet de l’intervention gouvernementale axé sur un accroissement souhaité de la répression policière.

Mais le recrutement de policiers intéressés par ce type de travail, et aptes à le faire, représente tout un défi, a fait valoir la ministre. « Traquer des pédophiles en ligne du lundi au vendredi, toute la journée, c’est pas tout le monde qui a le profil pour faire ces emplois-là », a-t-elle reconnu.

Pendant 18 mois, la commission spéciale transpartisane chargée d’analyser cette situation d’exploitation sexuelle avait pu prendre connaissance de 63 mémoires et entendre 67 témoins, dont plusieurs experts. Elle était présidée par la députée Lucie Lecours et auparavant par le député Ian Lafrenière, devenu ministre par la suite. Ce dernier, un ancien policier, avait indiqué l’an dernier que le Québec était devenu la plaque tournante de l’exploitation sexuelle des mineures au Canada.

Le député solidaire Alexandre Leduc s’est dit déçu de constater que « la recommandation de bonifier le financement à la mission plutôt que par projet n’est pas suivie et que la ministre maintient les membres de la commission dans l’ignorance totale en lien avec l’avancement des travaux » depuis décembre 2020.

« Les victimes doivent se sentir accompagnées et considérées, mais il faut également penser à des mesures plus structurantes qui les aideraient d’abord à se sortir de cet enfer. Je pense notamment à une réforme de l’aide sociale pour rendre compte des réalités financières particulières avec lesquelles ils doivent composer », a-t-il ajouté.