(Québec) La chicane se poursuit à l’Assemblée nationale au lendemain de l’anniversaire du décès de Joyce Echaquan. La cheffe libérale Dominique Anglade réclame des excuses au premier ministre, qui persiste et signe. Les partis d’opposition ont à l’unisson dénoncé mercredi le « manque de hauteur » de François Legault.

Le triste anniversaire de la mort de Joyce Echaquan a donné lieu mardi à une confrontation partisane sur le racisme systémique au Salon bleu. Le Parti libéral et Québec solidaire ont talonné le gouvernement Legault mardi pour qu’il reconnaisse l’existence du racisme systémique et qu’il adopte le « principe de Joyce », qui vise à garantir aux Autochtones un droit d’accès équitable aux services de santé et services sociaux.

Les échanges entre les parlementaires ont tourné au vinaigre. Le premier ministre a accusé le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, de « s’obstiner à diviser les Québécois » sur la question du racisme systémique. À Dominique Anglade, qui demandait au gouvernement de reconnaître le « principe de Joyce », M. Legault a dénoncé avec vigueur « les amalgames » du député libéral Greg Kelley entre la mort de Mme Echaquan, la Loi 21 sur la laïcité de l’État et le projet de loi 96.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

François Legault

Mercredi, François Legault en a remis : « Je ne pouvais pas, comme premier ministre du Québec, laisser insulter les Québécois parce que ce que Greg Kelley a fait, c’est insulter les Québécois », a-t-il lancé.

« Que Gabriel Nadeau-Dubois et Dominique Anglade laissent entendre que si je n’accepte pas qu’il y a du racisme systémique, que je ne pourrais pas régler le problème, […] je pense que s’il y a quelqu’un qui a instrumentalisé l’anniversaire de Mme Echaquan, c’est Gabriel Nadeau-Dubois et Dominique Anglade », a lancé M. Legault en mêlée de presse.

Il s’est défendu d’avoir choisi un moment mauvais pour dénoncer la vidéo de M. Kelley. Il a rappelé qu’il s’est dit en accord avec le « principe de Joyce », sauf pour la partie qui réclame la reconnaissance du racisme systémique. Il a appelé les Québécois à lutter contre le racisme.

Le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, qui a participé mardi à la commémoration en l’honneur de Joyce Echaquan à Joliette, a parlé « d’une semaine très chargée en émotions », sans vouloir revenir sur les réponses du premier ministre lors de la période de questions.

« Je n’étais pas là hier. Est-ce que je trouve que c’est un endroit qui est propice pour un débat aussi profond comme nos relations avec les Premières Nations ? Est-ce que je pense qu’il faut être prudent quand on parle de relations avec les Premières Nations pour ne pas tomber du côté partisan ? C’est très difficile au Salon bleu et c’est pour ça que je suis ici aujourd’hui », a-t-il tenté d’expliquer.

Le gouvernement Legault doit présenter une motion mercredi en l’honneur de Mme Echaquan. Une minute de silence sera observée au Salon bleu et l’Assemblée nationale sera illuminée en orange, jeudi.

Anglade réclame des excuses

Les partis d’opposition ont dénoncé mercredi les propos du premier ministre. La cheffe de l’opposition officielle demande des excuses à M. Legault pour les attaques qu’il a faites en Chambre au premier anniversaire de la mort de Mme Echaquan.

« On a 365 jours par année. Hier, c’était le moment d’être solennel par rapport à la question de Joyce. Et hier, en Chambre, ce n’est pas ce que nous avons vu du tout sur cet enjeu-là. On est allés dans des attaques partisanes, alors qu’on n’aurait pas dû se retrouver là », a-t-elle soutenu.

En lien avec la vidéo, Mme Anglade a indiqué avoir rencontré son député Greg Kelley et lui a rappelé « qu’on devait se tenir très loin des amalgames ».

Dans une vidéo tournée le 12 juin et diffusée dans les médias mardi, on voit le député libéral lors d’un rassemblement de Black Lives Matter dénoncer le fait que le gouvernement refuse de reconnaitre le racisme systémique, évoquer la mort de Mme Echaquan, avant d’ajouter au sujet du projet de loi 96 qu’il utilise « encore » la clause dérogatoire pour « restreindre et retirer les droits ».

La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a même quitté le Salon bleu avant la fin de la période de questions, mardi. « Hier, on a blessé encore plus des gens des Premières Nations, parce qu’ils s’attendent, et Carol Dubé en premier, à ce qu’on arrive à faire ces échanges-là et cette discussion-là correctement », a-t-elle lancé mercredi. Selon elle, « reconnaître le principe de Joyce sans en reconnaître le premier fondement, ça ne tient pas la route, les Autochtones nous le disent »

Le Parti québécois, qui a déposé mardi une motion pour que le principe de sécurisation culturelle soit inscrit dans la Loi sur la santé et les services sociaux, a aussi dénoncé le ton des débats. « Je pense que c’était déplacé comme échange de la part des politiciens qui ont participé à cet échange hargneux. Ça manquait de hauteur », a indiqué le chef Paul St-Pierre Plamondon.

La motion du Parti québécois a été défaite mardi par les élus du gouvernement.

Avec Hugo Pilon-Larose