(Ottawa) On affûte déjà des couteaux en coulisses au Parti conservateur du Canada. Un membre de l’exécutif national a lancé une pétition pour réclamer un référendum sur le leadership du chef Erin O’Toole avant le vote de confiance prévu en 2023. Mais d’ores et déjà, les autorités du parti préviennent que la démarche est vouée à l’échec.

Le conseiller Bert Chen, de l’Ontario, a lancé une pétition dans l’espoir que le mécanisme de révocation se mette en branle. Ses récriminations à l’endroit du dirigeant conservateur, qui a échoué à battre Justin Trudeau et ses libéraux, lundi soir, sont étayées en préambule de la pétition.

Il reproche à Erin O’Toole d’avoir « trahi les principes fondateurs du parti », d’avoir « brisé la confiance des membres du parti », et déplore que « la campagne d’Erin O’Toole aux élections fédérales de 2021 a échoué à faire élire suffisamment de députés conservateurs pour former un gouvernement ».

Le recentrage qui s’est opéré sous la houlette du chef élu il y a un peu plus d’un an a passé de travers au sein de la frange plus conservatrice de la formation, d’autant plus que pendant sa campagne à la chefferie, Erin O’Toole avait courtisé l’aile droite pour remporter la mise face à Peter MacKay, considéré plus modéré.

Dans sa pétition, Bert Chen énumère les raisons de sa colère : la volte-face sur l’imposition d’une taxe sur le carbone, la trahison des « libertés individuelles » découlant l’adhésion du chef conservateur à l’implantation de passeports vaccinaux, et le dépôt d’un « plan inefficace qui laisse tomber la responsabilité fiscale ».

Et puisque la prochaine révision de la direction n’est pas prévue avant deux ans environ, le conseiller exhorte le Conseil national du Parti conservateur du Canada d’entreprendre un référendum pour rappeler Erin O’Toole en tant que dirigeant de la formation, en vertu de deux articles de la Constitution du parti.

L’article 12,5 du document prévoit que « L’Exécutif national doit tenir un référendum par scrutin secret dans les cent vingt (120) jours suivant la réception des résultats d’une pétition valide à cet effet, ou d’une motion adoptée à un congrès national ou par l’Exécutif national », lequel détermine « la validité d’une pétition ».

« Il aura peine à garder sa place »

Les conservateurs ont décroché 119 sièges sur 338, selon les résultats toujours préliminaires du scrutin. C’est moins que sous l’ancien chef Andrew Scheer, qui avait obtenu 121 sièges à l’élection de 2019. Il voulait rester aux commandes, mais il a été poussé vers la sortie et a démissionné deux mois plus tard.

En conférence de presse dans le studio de l’hôtel d’Ottawa où il a passé plusieurs jours durant la campagne, mardi, Erin O’Toole a signalé qu’il avait l’intention de s’accrocher. Il s’est néanmoins dit « déçu » des résultats, et a annoncé qu’un examen serait lancé pour voir ce qui s’était « bien et moins bien passé ».

Signe des turbulences à venir, l’ancienne proche conseillère de Stephen Harper, Jenni Byrne, avait déclaré en entrevue sur les ondes de CTV le jour avant le vote que si le chef ne sortait pas de l’exercice victorieux, il devrait sérieusement envisager de jeter l’éponge.

« Je crois que s’il ne remporte pas l’élection […] il aura peine à garder sa place comme chef », a fait valoir l’influente stratège, en mentionnant le « pari » qu’a pris Erin O’Toole en faisant campagne différemment que pendant sa campagne à la direction du parti.

La pétition initiée par Bert Chen avait amassé plus de 1000 signatures, mercredi, vers 16 h.

Une tentative vaine, tranche le parti

Le cabinet de M. O’Toole a référé les questions au président du parti, Robert Batherson.

Dans un courriel envoyé à La Presse, il a torpillé la légitimité de la démarche du conseiller Chen : « À aucun moment, une pétition en ligne, qui peut être influencée par des libéraux ou des membres de tout autre parti, ne fait partie » des processus entourant le leadership.

La Constitution stipule que « lors du premier congrès national suivant une élection où les conservateurs ne forment pas le gouvernement », une révision du leadership peut être réclamée, a-t-il enchaîné, se montrant satisfait de l’examen de la campagne promis par Erin O’Toole.

« J’ai hâte que l’Exécutif national joue un rôle important dans l’examen de ce qui a fonctionné et de ce qui n’a pas fonctionné afin que nous puissions être prêts lorsque Justin Trudeau déclenchera une autre élection », a-t-il ajouté.