(Québec) Le gouvernement Legault entend faire adopter jeudi une loi pour interdire les manifestations antivaccins aux abords des écoles, des services de garde, des cliniques de vaccination et des hôpitaux.

« Ma patience a atteint sa limite concernant les manifestants antivaccins devant nos écoles, a déclaré le premier ministre François Legault mercredi. Ça n’a pas de bon sens qu’on essaie d’intimider nos enfants, que ce soit dans nos écoles ou dans les services de garde. Ça n’a pas de bon sens non plus qu’on manifeste contre la vaccination devant les centres de vaccination ou les hôpitaux. »

Le premier ministre a parlé du dépôt d’un « projet de loi spécial », mais comme l’a expliqué le leader parlementaire Simon Jolin-Barrette, ce sera bel et bien un projet de loi régulier. Le gouvernement demande la collaboration des députés de l’opposition pour qu’il soit adopté le jour même. Il doit cependant y avoir unanimité pour écourter les étapes normales d’étude d’un projet de loi. Le Parti libéral, Québec solidaire et le Parti québécois appuient le dépôt d’une telle loi et sont prêts à collaborer. La députée conservatrice Claire Samson laisse planer le suspense. Si elle décidait de faire obstruction, le gouvernement a l’intention de présenter une motion de procédure d’exception — communément appelée le bâillon —, ce qui lui permet d’imposer l’adoption rapide d’un projet de loi.

Le texte législatif sera présenté par la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault. « Il existe déjà, dans la Loi sur la santé et les services sociaux et la Loi sur l’enseignement, l’interdiction d’empêcher quelqu’un d’accéder à des soins ou d’empêcher quelqu’un d’accéder à l’éducation. Il y a des sanctions pénales qui sont prévues. Ça va continuer d’exister. Mais là, on travaille sur quelque chose de plus fort pour que cessent ces manifestations-là ou ces formes d’intimidation envers notre personnel, nos jeunes et des patients », a-t-elle expliqué.

Le gouvernement s’inspire d’une loi qu’a fait adopter en 2016 Gaétan Barrette, ministre de la Santé, afin d’interdire les manifestations devant les cliniques d’avortement. Selon cette loi, « nul ne peut, à moins de 50 mètres du terrain sur lequel se trouve une installation ou un local où sont offerts des services d’interruption volontaire de grossesse, manifester, de quelque manière que ce soit, ou effectuer toute autre forme d’intervention afin :

  1. De tenter de dissuader une femme d’obtenir un tel service ou de contester ou de condamner son choix de l’obtenir ou de l’avoir obtenu ;
  2. De tenter de dissuader une personne d’offrir un tel service ou de participer à son offre ou de contester ou de condamner son choix de l’offrir, de participer à son offre ou de travailler dans un tel lieu. »

Un contrevenant est passible d’une amende de 250 $ à 1250 $. La loi ajoute que « quiconque menace ou intimide une personne qui se rend dans une installation ou un local où sont offerts des services d’interruption volontaire de grossesse, qui tente d’y accéder ou qui en sort commet une infraction et est passible d’une amende de 500 $ à 2500 $ ».

Lorsqu’on lui a rappelé que des militants antivaccins accumulent des amendes et manifestent malgré tout, François Legault a répondu que « la loi, c’est la loi » et qu’ils devront « les payer éventuellement ».

Mardi, une vingtaine d’opposants à la vaccination ont manifesté devant l’école secondaire Henri-Bourassa, à Montréal-Nord, à l’heure du midi. Ils ont été accueillis par une dizaine de parents en colère venus interrompre l’évènement.

« Voir les antivaccins, les complotistes s’attaquer aux enfants, c’est intolérable, c’est insupportable. Il faut que ça cesse et tous les partis politiques, nous avons une responsabilité ensemble de trouver une solution. […] Si la solution, c’est une loi spéciale, nous, on est prêts à collaborer à son adoption », a tranché le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

Il plaide pour des « mesures spécifiques » qui ne viseraient pas à empêcher des parents par exemple à faire des manifestations pour réclamer de meilleurs services ou des infirmières de faire un sit-in devant un hôpital. « Je ne pense pas que ce soit le genre de manifestations que l’on veuille interdire, mais quand on parle d’antivaccins qui cherchent à dissuader des enfants de se protéger, on est dans une autre ligue », a-t-il dit.

Figure marquante du printemps érable, Gabriel Nadeau-Dubois est clair : sa formation politique n’a « aucune hésitation » à agir pour déterminer des moyens législatifs, réglementaires et juridiques « pour que ça cesse ». Il estime qu’il est possible de protéger le droit de manifester tout en interdisant ce genre d’évènements.

« Foutez la paix à nos enfants ! »

Le Parti libéral se disait prêt mardi à procéder rapidement à l’adoption d’un projet de loi pour interdire les manifestations antivaccins aux abords des écoles. Sa députée Marwah Rizqy avait préparé son propre texte législatif en début de semaine. La cheffe Dominique Anglade a continué de faire pression sur le gouvernement mercredi. Les parlementaires sont capables de régler le dossier à l’intérieur de 24 heures, a-t-elle soutenu.

« Aujourd’hui, là, j’ai un seul message pour les antivaccins : foutez la paix à nos enfants. Laissez-les tranquilles. […] Ça n’a aucun bon sens. Il ne faudrait pas que je me retrouve devant un antivaccin devant l’école de mes enfants, là, parce que les propos que je tiendrais, là, je ne suis pas sûre de pouvoir les tenir à la caméra. »

Le Parti québécois « va collaborer » à l’adoption d’une loi spéciale, car il est inacceptable que des manifestants s’en prennent à des enfants, intimident des enfants », a soutenu son chef Paul St-Pierre Plamondon.

De son côté, la députée du Parti conservateur du Québec, Claire Samson, n’est « pas contre le principe » d’une loi spéciale, car « il faut que la société protège les gens qui veulent aller à l’hôpital et qui veulent aller à l’école ». « Je ne trouve pas ça correct qu’on essaie d’intimider ou d’influencer des enfants », a-t-elle dit au sujet des manifestations antivaccins devant les écoles. Elle attend toutefois de lire le projet de loi avant de prendre position officiellement. Elle craint que sa portée soit trop large. « Jusqu’où ça va aller ? Est-ce qu’on va empêcher les infirmières de faire des sit-in devant les hôpitaux ? Est-ce qu’on va empêcher les étudiants de manifester dans les cégeps ? » Lors d’une brève rencontre avec le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, elle lui a fait savoir qu’elle n’est pas un « béni-oui-oui », selon ses propres dires.

Son chef Éric Duhaime soutient que « le droit de manifester est sacré dans toute société », tout en précisant qu’il n’a « pas de problème » à ce qu’on l’encadre. « On a trop vu de carrés rouges ou de syndicats abuser de ce droit fondamental d’empêcher des étudiants d’étudier ou des travailleurs de travailler », a-t-il écrit sur les réseaux sociaux. « Si [François Legault] veut assurer la sécurité des enfants, bravo. S’il souhaite s’en prendre à un sous-groupe en particulier afin de diviser les Québécois entre eux à des fins partisanes, il trouvera le PCQ sur son chemin. »