(Québec) Le gouvernement Legault va de l’avant avec la création d’un tribunal spécialisé en matière de violences sexuelles et de violence conjugale, réclamé depuis un bon moment. L’objectif est que les victimes « aient confiance dans le système de justice ».

Le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, affirme que le fait d’aller témoigner en cour ne doit pas faire craindre aux victimes de revivre leur histoire. « Il faut que ce soit adapté pour faciliter leur témoignage », dit-il.

M. Jolin-Barrette déposera en septembre un projet de loi afin d’implanter des projets pilotes qui jetteront les bases d’un tribunal spécialisé permanent, qui sera déployé « à la grandeur du Québec », affirme-t-il. Plus d’informations sur les projets pilotes, comme leur nombre et l’endroit où ils seront mis en place, seront communiquées à l’automne.

« C’est un changement de culture dans le système de justice. Pour amener ce changement, il faut s’assurer […] que tout soit bien ficelé et attaché, que ça fonctionne bien. Ce que je ne souhaite pas, c’est qu’une victime ne soit pas satisfaite du processus », explique le ministre.

Demande de longue date

L’idée de créer un tribunal spécialisé en matière de violences sexuelles et de violence conjugale a été fréquemment proposée au cours des dernières années. Au Parlement, la députée péquiste Véronique Hivon réclamait une telle instance depuis 2018.

« J’avais le sentiment que c’était la réforme qui devait se faire pour qu’on puisse enfin rebâtir la confiance et montrer aux victimes, concrètement et symboliquement, que le système de justice est capable de s’adapter quand il constate les failles et les [ruptures] de confiance qui se sont créées au fil du temps », a-t-elle réagi jeudi, saluant le travail transpartisan qui s’est effectué sur la question.

En décembre dernier, un comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale, auquel siégeaient des députés de tous les partis, a remis au gouvernement un volumineux rapport de 190 recommandations, parmi lesquelles figurait une mesure phare : la création d’un tribunal spécialisé.

Dans leur rapport, les coprésidentes, Élizabeth Corte et Julie Desrosiers, affirment que l’instauration d’un tel tribunal à la Cour du Québec permettrait de « restaurer la confiance des personnes victimes dans le système de justice criminelle ». Elles écrivent aussi que ce tribunal doit avoir pour éléments essentiels « un déploiement à l’échelle provinciale, des installations physiques adaptées, des acteurs juridiques spécialisés et formés, un service de poursuite verticale et des services d’accompagnement intégrés », entre autres.

« Toutes les victimes ont les mêmes droits »

Québec avait ensuite mandaté un groupe de travail, composé des ministères de la Justice, de la Sécurité publique et de la Santé et des Services sociaux, du Directeur des poursuites criminelles et pénales, de la Commission des services juridiques, de la Cour du Québec et des secrétariats à la condition féminine et aux affaires autochtones, afin « d’évaluer et de déterminer concrètement les éléments nécessaires à la mise en place d’un tribunal spécialisé en matière de violences sexuelles et de violence conjugale ».

« Il faut que ce soit vraiment applicable à la grandeur du Québec et pas juste dans les grands centres où il y a plus de ressources, comme à Montréal. Toutes les victimes [ont] les mêmes droits et [doivent avoir] les mêmes recours », a quant à elle rappelé jeudi Louise Riendeau, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

« Ce qui est une très bonne nouvelle, c’est que le ministre décide d’aller de l’avant avec des projets pilotes. […] On veut être sûr que le tribunal spécialisé sera bien orienté et répondra à nos objectifs. Les objectifs, c’est de donner confiance aux victimes [et pour y arriver], il faut que le tribunal ait pour objectif d’assurer leur sécurité et de responsabiliser les contrevenants », a-t-elle ajouté.

La création de projets pilotes afin de pourvoir le Québec de ce nouveau tribunal s’inscrit également dans la foulée d’une vague de féminicides présumées qui ont secoué la province ces derniers mois. Le printemps dernier, le gouvernement Legault a notamment débloqué près de 223 millions supplémentaires sur cinq ans en matière de lutte contre la violence conjugale, dont 90 millions destinés aux maisons d’hébergement pour femmes.

Au cours de l’été, l’actrice Lily Thibeault, qui a témoigné dans le documentaire La parfaite victime, avait également lancé une pétition pour inciter Québec à créer un tribunal spécialisé.