(Ottawa) Les chefs des partis politiques fédéraux se sont rendus dans différentes parties du pays cette semaine et plusieurs y voient le signe évident que le déclenchement d’élections est imminent.

Avec des élections à date fixe prévues dans seulement plus de deux ans, ce qui a les allures d’une précampagne électorale échappe toutefois aux limites de dépenses publicitaires puisqu’aucune date de scrutin n’a été annoncée.

La récente modification à la Loi électorale du Canada, adoptée en 2018 sur la modernisation des élections, prévoit que des politiciens peuvent aller à la rencontre de leurs concitoyens pour y multiplier les poignées de mains, ou les coups de coude en temps de pandémie, comme bon leur semble l’été précédent une campagne électorale. Leurs dépenses pour des publicités à saveur électorale sont toutefois limitées, ce qui n’est pas le cas cette année puisque le prochain scrutin n’est pas prévu avant octobre 2023.

Or, dans un contexte de gouvernement minoritaire, qui peut tomber à n’importe quel moment, un premier ministre peut se rendre à Rideau Hall pour demander au gouverneur général du Canada de devancer le scrutin.

Lori Turnbull, directrice de l’École d’administration publique à l’Université Dalhousie, souligne que la Loi sur la modernisation des élections identifie la période préélectorale comme étant les mois précédents le scrutin, donc en période estivale dans le cas d’élections à date fixe en octobre, mais cela ne s’applique pas lorsqu’il est question d’élections anticipées.

Les effets de cette échappatoire pourraient donc déjà se faire ressentir à en croire les tournées du pays amorcé par les chefs des partis politiques fédéraux.

Durant la série finale de la Coupe Stanley dans la Ligue nationale de hockey, mettant en vedette le Canadien de Montréal, aucun parti politique fédéral n’a cependant dépensé d’argent pour des publicités afin d’attirer l’attention de l’audience canadienne à l’évènement.

Les conservateurs avaient pourtant dépensé des millions de dollars en publicité en mai et juin 2019, même durant les séries finales de basketball de la NBA où les Raptors de Toronto avaient remporté pour la première fois de leur histoire le trophée Larry O’Brien du championnat.

Il apparaît donc qu’ils attendent cette fois avant d’effectuer leurs grosses dépenses publicitaires, soit au moment le plus près possible du déclenchement des prochaines élections fédérales, pressenti en août, ce qui serait permis dans ce cas-ci.

Comportements de précampagne électorale

Le premier ministre Justin Trudeau n’a pas confirmé qu’une campagne électorale se prépare, malgré l’insistance des journalistes. Comment expliquer alors des annonces totalisant de plus de 6 milliards au cours de la dernière semaine pour des projets de système léger sur rail, de service de garde d’enfants ou portant sur le climat ?

« Ce sont des choses qui se discutaient et se préparaient depuis longtemps », a indiqué M. Trudeau mercredi lorsqu’il s’est fait demander s’il n’était pas en précampagne électorale.

Mme Turnbull a souligné qu’il n’y a pas de règles qui empêchent les politiciens de faire campagne avant la période formelle d’une campagne électorale établie.

Pour moi, c’est clair qu’ils se préparent pour une élection et qu’on observe un comportement de précampagne électorale.

Lori Turnbull, directrice de l’École d’administration publique à l’Université Dalhousie

« Je ne pense pas que l’on peut empêcher des premiers ministres et des chefs de partis de faire preuve d’opportunisme politique », a-t-elle affirmé, tout en précisant que c’est aux leaders politiques de décider ce qui est acceptable sur le plan de l’éthique.

La tournée de M. Trudeau dans quatre provinces canadiennes est la première du premier ministre depuis des mois. Ses ministres ont aussi multiplié les apparitions publiques au pays, seuls ou avec lui, pour faire part de leurs propres engagements.

M. Trudeau est notamment allé à la rencontre de premiers ministres provinciaux, de maires et de citoyens dans des restaurants, profitant de l’occasion pour prendre des égoportraits avec ces derniers.

PHOTO AMY ROMER, REUTERS

Justin Trudeau pose avec Mila Biggar lors d'un arrêt dans un restaurant de Coquitlam, en Colombie-Britannique.

Le chef conservateur, Erin O’Toole, a aussi participé à une série d’évènements à Calgary, dont quelques activités de campagne de financement, mais là aussi sa porte-parole a indiqué qu’il l’a fait dans son rôle de chef de l’opposition à Ottawa.

PHOTO JEFF MCINTOSH, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef conservateur Erin O'Toole a fait une annonce à Calgary, jeudi.

M. O’Toole a aussi prévu de se rendre ce week-end au Stampede de Calgary, un incontournable pour tout chef de parti fédéral en juillet.

Pour sa part, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh poursuit une tournée de plusieurs jours en Colombie-Britannique, qui a commencé dans la région de Vancouver.

Il est notamment allé à la rencontre de militants pour parler de logement abordable. Selon M. Singh, le déclenchement d’élections prouverait que Justin Trudeau cherche à obtenir un gouvernement majoritaire.

Quant au chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, ce dernier a passé la dernière semaine sur la Côte-Nord au Québec. Sa tournée l’a notamment mené à la rencontre de maires de différentes municipalités de la région, multipliant également les séances de photos avec des élus québécois.