(Montréal) Alors que le Québec est en plein déconfinement et que les organismes d’aide aux femmes appréhendent une augmentation de la violence conjugale et de l’exploitation sexuelle, le Parti libéral du Québec (PLQ) exhorte le gouvernement Legault d’accélérer le pas dans la mise en place des recommandations contenues dans des rapports déposés depuis plusieurs mois.

Décrivant la sortie de sa formation politique comme un « cri du cœur » devant des gestes gouvernementaux jugés « timides », la porte-parole de l’opposition officielle en matière de condition féminine, Isabelle Melançon, a exigé de la Coalition avenir Québec (CAQ), lors d’une mêlée de presse, dimanche, qu'elle agisse « immédiatement ».

Selon Mme Melançon, les recommandations comprises dans des rapports récents – dont celui sur l’exploitation sexuelle et celui sur les agressions sexuelles et la violence conjugale, tous deux déposés en décembre – tardent à être mises en action.

Et le temps presse. Avec le déconfinement, les conjoints violents perdront l’emprise sur leur conjointe et sur les enfants, ce qui pourrait conduire à une situation « terriblement violente ».

Alors que nous en sommes à la moitié de l’année, il y a eu jusqu’à présent 13 féminicides présumés au Québec. La moyenne annuelle est de 12, a affirmé la députée, qui, au passage, s’est dite « choquée, outrée » que la vice-première ministre du Québec, Geneviève Guilbault, ait affirmé il y a quelques semaines que le gouvernement ne pourrait empêcher tous ces meurtres.

« Je m’excuse, mais il y a 190 recommandations qui doivent être mises en place, a lancé Mme Melançon. On doit commencer par ça avant d’arriver avec un commentaire fataliste comme celui-là. »

Tisser leur toile

À ses côtés, la députée et ancienne vice-présidente de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, Christine St-Pierre, a déploré que le gouvernement ne « marche qu’à petits pas », bien qu’il ait le rapport de son équipe depuis « sept mois ».

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Christine St-Pierre, députée et ancienne vice-présidente de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs

Pendant la pandémie, les proxénètes « étaient dans leur salon et pouvaient entrer en contact avec de futures victimes, tisser leur toile, se déclarer follement amoureux », a-t-elle raconté avant d’expliquer qu’ultimement, des femmes, et des garçons aussi, seront battues et auront beaucoup de difficulté à « sortir de cet enfer ».

Les activités de recrutement et d’offre « reprennent » d’ailleurs « de plus belle », selon les informations qu’elle a récemment recueillies d’une victime d’exploitation sexuelle.

La députée et porte-parole libérale en matière de protection de la jeunesse, Kathleen Weil, qui complétait le trio, a pour sa part expliqué qu’avec la fin de l’école, « il n’y a plus personne pour faire les signalements », puisque les enseignants en font une bonne partie.

« Une des mesures que j’ai mises de l’avant, ça vient du rapport Laurent, […] c’est de travailler avec les DPJ [directions de la protection de la jeunesse], avec la première ligne, avec les organismes communautaires, a-t-elle souligné. Ça, c’est quelque chose qu’ils auraient dû mettre en place pour cet été. »

Le gouvernement n’avait pas répondu à la demande de commentaire de La Presse Canadienne au moment de publier.

Le Parti libéral du Québec demande spécifiquement au gouvernement de mettre en place rapidement les mesures suivantes « qui peuvent être instaurées dans un court délai et ne nécessitent aucun changement législatif » :

  • Financer et mettre en place des cellules de crise dans toutes les régions visant à prévenir les homicides ou les blessures graves en contexte de violence conjugale. (recommandation 72 du Rapport Rebâtir la confiance)
  • Désigner une personne responsable du dossier de la violence conjugale dans chaque direction de la protection de la jeunesse pour assurer une liaison efficace entre les différents partenaires ; une personne pouvant développer l’expertise, de concert avec les organismes communautaires, pour soutenir les intervenantes. (Recommandation 2.1 du rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse)
  • Mettre en place une formule de financement à la mission pour les organismes communautaires luttant contre l’exploitation sexuelle des mineurs et que ce financement soit bonifié. (Recommandation 19 Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs)
  • Bonifier le soutien aux lignes SOS Violence conjugale et Info-aide violence sexuelle et en accroître la promotion. (Recommandation 10 du Rapport Rebâtir la confiance)
  • Améliorer, encadrer et évaluer les programmes pour conjoints violents et voir à ce qu’ils reçoivent une accréditation. (Recommandation 121 du Rapport Rebâtir la confiance)
  • Assurer des services d’aide, d’accompagnement et de suivi adaptés aux pères lorsqu’une situation de conflit familial risque de dégénérer ou dégénère, et ce, pour mieux protéger les enfants et accroître une offre de services adaptée pour les pères ayant des comportements violents. (Recommandation 2.4 du Rapport Laurent)
  • La mise en place d’un système d’avis sur l’internet qui cible directement les personnes recherchant des services sexuels de mineurs et des sites d’annonces de services sexuels. (Recommandation 13 Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs)