(Ottawa) Un comité parlementaire à Ottawa recommande le gel de toutes les promotions et augmentations de salaire pour les hauts gradés de l’armée, « jusqu’à ce qu’une enquête indépendante soit menée pour s’assurer que leur comportement et leur conduite sont irréprochables ».

Il s’agit là de l’une des nombreuses recommandations du Comité permanent de la condition féminine des Communes, qui a récemment terminé un examen de plusieurs mois sur les inconduites sexuelles au sein de l’armée. Cet examen avait été déclenché à la suite d’allégations visant plusieurs officiers de haut rang.

« Au même titre qu’une enquête de sécurité est nécessaire pour obtenir les différentes cotes de sécurité, ce type d’enquête permettrait d’écarter des candidats qui n’ont pas le profil nécessaire pour diriger les Forces armées canadiennes, lit-on dans le rapport final du comité, publié jeudi. Les militaires subordonnés doivent avoir des chefs exemplaires, sinon toute lutte contre l’inconduite sexuelle et le harcèlement sera vouée à l’échec. »

Les membres du comité recommandent également la création d’une structure indépendante, un « Bureau de l’inspecteur général » des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale, entièrement indépendant et dirigé par un agent du Parlement. Le comité recommande aussi « de transmettre les affaires d’inconduites sexuelles à la Gendarmerie royale du Canada pour enquête », et de retirer la compétence aux Forces armées canadiennes « en cas de crainte d’influence indue de la part de la chaîne de commandement ».

Le Comité de la condition féminine a été l’un des deux comités parlementaires à se pencher sur les inconduites sexuelles au sein de l’armée canadienne : le Comité permanent de la défense a enquêté plus précisément sur la façon dont le gouvernement avait géré les allégations visant l’ancien chef d’état-major Jonathan Vance et son successeur, l’amiral Art McDonald.

Le général Vance, qui a quitté son poste en janvier et a pris sa retraite en avril, a nié tout acte répréhensible. M. McDonald, qui a temporairement quitté ses fonctions, après un mois en poste, n’a pas commenté.

« Milieu toxique »

Le Comité de la défense risque d’ajourner ses travaux pour l’été avant de déposer son rapport final, en raison de mois de querelles entre l’opposition et les députés libéraux, qui font de l’obstruction depuis des semaines. En revanche, les 21 recommandations du Comité de la condition féminine semblent avoir été largement approuvées par tous les partis ; les néo-démocrates ont par ailleurs ajouté six recommandations au rapport.

« Le Comité a été informé par des témoins experts, y compris par des survivantes, que l’environnement de travail des Forces armées canadiennes (FAC) est hiérarchisé, dominé par des hommes, fondé sur des normes sexospécifiques patriarcales et fortement sexualisé », lit-on dans le rapport.

« Ces facteurs créent un milieu de travail toxique où des incidents d’inconduite sexuelle peuvent se produire en toute impunité. Il est urgent de transformer la culture des FAC afin de créer un environnement de travail sécuritaire, inclusif et respectueux. »

Plusieurs des recommandations du comité, y compris la création d’un « Bureau de l’inspecteur général », étaient demandées en urgence depuis des mois par des experts et des victimes. Le gel des promotions et des augmentations de salaire pour les officiers supérieurs avait déjà été réclamé par les conservateurs.

Le rapport du comité coïncide par ailleurs avec un examen indépendant amorcé par l’ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour, qui passera l’année à formuler des recommandations dans le même but : mettre fin aux inconduites sexuelles au sein de l’armée.

Motion de censure contre Sajjan

Ce rapport est également publié alors qu’une motion de la Chambre des communes, présentée par les conservateurs, a été adoptée 169-151 jeudi soir, exprimant la déception de l’opposition envers le ministre de la Défense Harjit Sajjan.

M. Sajjan a fait l’objet de vives critiques depuis que l’ancien ombudsman militaire Gary Walbourne a révélé qu’il avait pour la première fois signalé en mars 2018 au ministre une allégation d’inconduite sexuelle visant le chef d’état-major de l’époque, Jonathan Vance. Le gouvernement libéral plaide que M. Sajjan a suivi toutes les procédures appropriées dans cette affaire, mais le chef conservateur Erin O’Toole affirme que le ministre de la Défense a toujours laissé tomber les victimes d’inconduites sexuelles au sein de l’armée.

M. O’Toole allègue que le ministre Sajjan, ancien militaire, a également induit les Canadiens en erreur au sujet de ses faits d’armes, et sur la nécessité réelle d’acheter des avions de combat d’occasion en Australie. Il reproche aussi au ministre d’avoir supervisé la poursuite, avortée, intentée contre le vice-amiral à la retraite Mark Norman.

Le chef conservateur explique que pour toutes ces raisons, son parti a utilisé, jeudi, sa dernière journée d’opposition avant l’ajournement estival des travaux parlementaires pour forcer la Chambre à exprimer sa déception envers le ministre.

La motion conservatrice est symbolique : M. O’Toole admet qu’il appartiendra en fin de compte aux électeurs de la circonscription de M. Sajjan, à Vancouver, de décider s’il doit continuer à siéger au Parlement.