L’ancien chef de police de Kativik, Michel Martin, agira dès lundi comme agent de liaison et « facilitateur » auprès des communautés autochtones voulant pratiquer des fouilles sur les sites d’anciens pensionnats. Un cercle de concertation sera aussi mis sur pied, avec des représentants des Premières Nations.

« On veut qu’il y ait une porte d’entrée unique. […] Autrement dit, on ne veut pas jouer une game de ping-pong entre le provincial et le fédéral », a martelé le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, lors d’une conférence de presse tenue samedi.

Il affirme que l’agent de liaison aura pour mandat d’« aider les communautés dans leurs choix, que ce soit la recherche documentaire et physique ou la sécurisation des lieux ». M. Martin connaît bien les réalités autochtones, ayant travaillé pour la police du Nunavik « pendant plusieurs années », a soutenu le ministre. « Il connaît bien l’appareil gouvernemental, c’est un retraité de l’État public. Son travail, vous ne le verrez pas dans les médias. Ce sera de faciliter le travail des Premières Nations sur le terrain », a indiqué M. Lafrenière.

Le ministre a du même coup réitéré qu’il souhaitait que les décisions soient prises par les communautés. « Ce sont elles qui sont les mieux placées », a-t-il dit.

Pour s’assurer que tout soit fait de manière « culturellement adaptée », Québec a aussi annoncé qu’un cercle de concertation, auquel des aînés et des représentants des communautés siégeront, serait créé dans les prochains jours. Le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, aurait d’ailleurs déjà offert au gouvernement d’y participer. Les regroupements religieux seront aussi sollicités pour « évaluer s’ils ont de la documentation ».

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L’ancien pensionnat de Kamloops, en Colombie-Britannique

M. Lafrenière promet que Québec sera « au rendez-vous, avec le gouvernement fédéral, en matière de santé et de services sociaux ». Le groupe de travail dirigé par les deux ordres de gouvernement aura pour mandat d’« établir rapidement un portail simplifié pour toutes les communautés qui veulent de l’aide dans leurs recherches », a soulevé la ministre fédérale des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett.

« Nous faisons d’importants progrès sur le chemin de la réconciliation. En travaillant ensemble, nous pouvons continuer sur la bonne voie de la guérison », a-t-elle dit. La découverte des restes de 215 enfants autochtones sur le site d’un ancien pensionnat à Kamloops, en Colombie-Britannique, démontre « tout le mal qui a été causé » par le passé, a dit le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller.

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L'aîné mohawk Kevin Deer accompagnait les ministres Ian Lafrenière (à droite) et Marc Miller lors de la conférence de presse samedi.

Tant Québec qu’Ottawa ont assuré que des ressources supplémentaires pourraient être fournies au besoin. « Ce serait malheureux de voir des communautés qui se sentent précipitées de peur de ne pas avoir accès à cet argent. Ce qu’on dit, c’est que s’il y a besoin de plus d’argent, on sera là », a indiqué M. Miller, en rappelant que des ressources techniques pourraient aussi être fournies le cas échéant, dont les radars et services de recherche de l’armée canadienne.

Kevin Deer, un aîné mohawk qui accompagnait les ministres lors de la conférence de presse, a également souligné l’importance de la collaboration. « Je suis ravi de l’annonce qui a été faite, mais il faudra demander au leadership de chaque communauté comment on peut aider, a-t-il dit. Il faut ensuite écouter et offrir de l’aide. »

« Nous avons été arrachés »

L’ancien chef de la Première Nation abitibiwinni et président de l’organisme Minwashin, Richard Kistabish, a aussi livré un vibrant témoignage sur les pensionnats samedi, lui qui a été pensionnaire pendant 10 ans à Saint-Marc-de-Figuery, près d’Amos, en Abitibi-Témiscamingue.

« C’est quelque chose d’horrible, ce qui nous est arrivé, en commençant par la séparation avec nos parents qu’on a dû endurer. C’est comme si nous avions été arrachés, non seulement physiquement, mais moralement surtout, psychologiquement, spirituellement. Nous étions complètement déconnectés de notre support de vie », a-t-il témoigné, en rappelant que les pensionnaires vivront toujours avec certaines « dysfonctions ».

On ne veut pas ressembler à ceux qui nous ont fait ça. On veut tout simplement reprendre ce qu’on nous a pris.

Richard Kistabish, ancien pensionnaire et président de l’organisme Minwashin

M. Kistabish a déclaré qu’il en avait assez « de ces excuses futiles » s’opposant à la réconciliation, « qui n’ont aucun sens ». « Il nous faut entreprendre la réparation. Ça doit se faire de différentes façons. Reconnaître ses torts est une façon. Dire la vérité est une autre façon de réparer », a-t-il aussi plaidé.

Au-delà des annonces gouvernementales, l’homme appelle les gouvernements à être réellement à l’écoute. « Malgré tout, j’ai espoir quand même. Depuis des années, je travaille pour récupérer un peu de ma culture, de mon identité, de ma langue, et je veux continuer à travailler », a-t-il conclu.

Avec La Presse Canadienne