(Québec) L’honneur est sauf : le Québec n’a plus à craindre de tomber dans un vide juridique, si jamais la reine Élisabeth II décédait subitement ou décidait d’abdiquer.

L’Assemblée nationale a adopté vendredi le projet de loi 86, qui vient soustraire l’État québécois et ses institutions à une éventuelle paralysie totale, en cas de décès ou d’abdication de la reine Élisabeth II qui, rappelons-le, est officiellement le chef de l’État canadien.

Le projet de loi, qui ne comptait que quatre articles, avait été déposé le 11 mars par la ministre responsable des Relations canadiennes, Sonia LeBel. Elle est intervenue quand les juristes du gouvernement l’ont sensibilisée au fait que s’il fallait que la reine d’Angleterre, qui a 95 ans, rende son dernier soupir avant que l’Assemblée nationale légifère, le Québec pouvait se retrouver totalement paralysé, forcé de déclencher des élections générales anticipées.

Selon les experts en droit du Secrétariat québécois des relations canadiennes, qui secondent la ministre LeBel, les trois fondements du pouvoir à Québec (l’exécutif, le législatif et le judiciaire) auraient pu alors être ébranlés, voire ne plus être en mesure de fonctionner. De plus, les titulaires de charges publiques (députés et ministres) auraient perdu aussitôt leur pouvoir. Les lois adoptées après la fin du règne de la souveraine auraient pu être contestées devant les tribunaux. Ce n’est pas tout : le Parlement aurait été dissous et tous les actes de procédure devant les cours de justice auraient dû être réintroduits.

Pour éviter un tel scénario catastrophe, la loi 86 stipule que la « dévolution de la couronne », soit le décès ou l’abdication de la souveraine, n’aura pas pour effet de mettre un terme aux activités du Parlement du Québec, du gouvernement et des tribunaux, ni de mettre un terme à une charge ou à un emploi.

La loi prévoit également que le serment d’allégeance à la souveraine, que doivent prêter tous les députés, ne deviendra pas caduc.

Le Québec est en fait la seule province canadienne à s’être placée dans une position aussi délicate, qui dure depuis une quarantaine d’années. En 1982, en marge du rapatriement de la Constitution canadienne, le gouvernement de René Lévesque avait biffé un article de loi prévoyant que la législature ne pouvait pas être dissoute en cas de décès du souverain. Depuis, apparemment, aucun gouvernement du Québec n’a pris la mesure du risque entraîné par cette décision.

L’entrée en vigueur de la loi 86 « neutralisera de façon claire et précise tous les effets juridiques liés à la dévolution de la couronne, et les activités de l’État pourront se poursuivre sans interruption », a commenté par voie de communiqué la ministre LeBel.

« Bien que la dévolution de la couronne soit un évènement plutôt rare, il importait d’adopter des dispositions législatives claires qui en contreront désormais tous les inconvénients. Par conséquent, malgré les changements que la prochaine dévolution de la couronne apportera pour la monarchie canadienne, elle ne produira absolument aucun effet sur le déroulement des activités étatiques au Québec », a précisé la ministre.