(Ottawa) Voyant la fin de la session parlementaire approcher à grands pas, les libéraux auront recours au bâillon pour forcer un comité à se dépêcher à finir d’étudier le projet de loi C-10 sur la radiodiffusion en vitesse et ensuite l’adopter en troisième lecture à la Chambre des communes. Ils sont déjà assurés d’avoir l’appui du Bloc québécois pour aller de l’avant.

C’est la ministre fédérale du Travail, Filomena Tassi, qui en a fait l’annonce jeudi en début de soirée. Elle a déclaré que le gouvernement déposeraune motion d’attribution de temps aussi tôt qu’à la prochaine séance de la Chambre des communes, soit vendredi.

Cette manœuvre procédurale vise à mettre fin à six semaines d’obstruction de l’opposition conservatrice au comité du patrimoine canadien, chargé d’étudier le projet de loi article par article. En date du 31 mai, les membres avaient étudié et voté 88 amendements sur un total de 120 amendements. Un bâillon forcerait le comité à terminer ses travaux dans un échéancier qui reste à déterminer.

Jeudi soir, la réaction a été immédiate au sein des troupes conservatrices.

« C’est incroyable de voir que les libéraux veulent imposer un bâillon et clore le débat alors que de nombreux experts sonnent l’alarme sur le projet de loi C-10 qui brime la liberté d’expression des Canadiens ! Seul le Parti conservateur va défendre la liberté d’expression des Canadiens sur les médias sociaux », s’est indigné Alain Rayes, porte-parole du parti en matière de patrimoine.

Le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, a rétorqué que des emplois du secteur culturel étaient en jeu.

« Chaque moment perdu en raison de l’obstruction du Parti conservateur du Canada a privé l’économie canadienne d’investissements et d’emplois importants. Chaque mois, une somme estimée à 70 millions de dollars est perdue. Une somme qui pourrait bénéficier à nos secteurs de la radiodiffusion, de l’audiovisuel, de la musique et des médias interactifs », a déclaré le ministre.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, avait déjà déclaré à l’émission « Tout le monde en parle », mi-mai, que son parti était prêt à collaborer avec le gouvernement afin d’accélérer l’adoption de C-10 avant la fin de la session parlementaire. Il est revenu à la charge avec sa proposition à de nombreuses reprises cette semaine, en point de presse et lors de la période de questions.

Son porte-parole en matière de patrimoine, Martin Champoux, s’est réjoui que les efforts de son parti aient porté leurs fruits.

« Après une offre de collaboration exceptionnelle et beaucoup d’insistance du Bloc québécois, le fédéral forcera enfin l’adoption du projet de loi C-10. Fini l’obstruction en comité, on retrousse nos manches et l’on travaille pour la culture québécoise », s’est félicité M. Champoux, dans une publication sur Twitter.

Il est cependant peu probable, voire impossible, que C-10 devienne loi avant l’été. Après son adoption aux Communes, le projet de loi devra être envoyé au Sénat où les sénateurs conservateurs risquent de l’attendre de pied ferme. Le Sénat cesse de siéger le 25 juin.

Selon Daniel Bernhard, directeur général et porte-parole des AMIS de la radiodiffusion, tous les partis politiques, à l’heure actuelle, veulent prendre position sur les enjeux culturels en ayant les yeux tournés vers une possible élection à l’automne.

« Ce n’est pas réaliste que, dans un mois, le Sénat va accepter un projet de loi comme ça, sans changements. Chaque intervention, du Bloc québécois, des libéraux et même des conservateurs, pour moi, c’est une stratégie électorale », analyse M. Bernhard.