L’obstruction du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) à la création d’aires protégées illustrée par un reportage de La Presse, vendredi, a fait bondir les partis de l’opposition à Québec, qui exigent des actions immédiates.

Le Parti québécois (PQ) réclame une enquête de la vérificatrice générale « pour faire la lumière sur cette proximité qui amènerait le MFFP à ne pas collaborer avec les autres ministères », a déclaré son porte-parole en matière de forêts, de faune et de parcs, le député de Bonaventure Sylvain Roy.

« Il y a un problème de gouvernance et d’imputabilité de certains sous-ministres qui sont trop liés à l’industrie forestière, et c’est au ministre de prendre ses responsabilités pour régler la situation », a-t-il également affirmé.

Le PQ appelle à rééquilibrer le rapport de force au sein du MFFP entre le secteur des forêts et celui de la faune et des parcs.

Créer des aires protégées dans le Sud

Le Parti libéral du Québec (PLQ) demande pour sa part au gouvernement Legault de « corriger le tir et d’annoncer rapidement » la concrétisation des 83 projets d’aires protégées dans le sud du Québec laissés de côté lors de l’annonce des nouvelles aires protégées, en décembre dernier.

Ces projets, qui étaient le fruit d’une concertation régionale et autochtone du ministère de l’Environnement, parfois en attente depuis 10 ans, n’avaient finalement pas reçu la désignation de « réserve de territoire aux fins d’aire protégée », a rapporté Le Devoir, en février.

Les échanges de courriels et les documents dévoilés vendredi par La Presse démontrent l’obstruction à la création de ces aires protégées des hauts fonctionnaires du ministère des Forêts, désireux de préserver la « possibilité forestière », soit le volume de bois que peut récolter l’industrie.

« La CAQ tente d’atteindre sa cible en désignant des aires uniquement au nord, ce qui soulève des questions sur son engagement réel à créer des aires protégées », a déploré la députée de Verdun et porte-parole en matière d’environnement, Isabelle Melançon, dans un communiqué.

Comment le ministre de l’Environnement, M. Benoît Charette, peut-il rester silencieux et laisser le ministère de la Forêt ralentir les projets ?

Isabelle Melançon, porte-parole du Parti libéral en matière d’environnement

Abolir le ministère des Forêts

Québec solidaire, qui avait réclamé jeudi l’abolition pure et simple du ministère des Forêts, a réitéré son appel à la lumière des révélations faites par La Presse.

« La création d’aires protégées ne devrait pas être prise en otage par un ministère qui a clairement choisi le camp des forestières et qui fait tout pour mettre des bâtons dans les roues de ses partenaires », a déclaré la députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, Émilise Lessard-Therrien, porte-parole en matière de forêts, de faune et de parcs.

La protection de la faune et des écosystèmes, qui est sous la responsabilité du MFFP, « fait les frais » du parti pris de ce ministère en faveur de l’industrie forestière, déplore-t-elle.

Québec solidaire propose de confier la gestion des forêts au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) et celle de la faune et des parcs au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).

Charette minimise les tensions

Le ministre de l’Environnement Benoit Charette reconnaît l’existence de tensions entre son ministère et celui des Forêts, mais en minimise la portée.

À son entrée en fonction, il y a un peu plus de deux ans, les projets d’aires protégées annoncés en décembre « étaient sur la table depuis des années, et quand le MFFP haussait le ton un peu, c’est l’Environnement qui s’écrasait », a-t-il affirmé dans un entretien avec La Presse, vendredi.

« Chaque ministère a sa vision, sa mission ; les cabinets, eux, doivent transcender la mission de leur ministère respectif », a-t-il dit, vantant la « très belle collaboration » qu’il entretient avec le ministre des Forêts, Pierre Dufour, et celui de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien.

Sans cette collaboration-là, on en serait au même stade.

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Cette bonne entente entre les ministres a rendu possible l’annonce des nouvelles aires protégées en décembre dernier, une « avancée majeure » que d’aucuns n’espéraient plus, estime le ministre Charette.

Dans une brève déclaration écrite transmise à La Presse, le cabinet du ministre Dufour a pour sa part indiqué qu’il est « tout à fait normal d’assister à l’interne, entre les ministères, à des débats et des discussions sur des enjeux aussi importants ».

Avec Isabelle Hachey, La Presse