(Ottawa) Le Bloc québécois n’a pas réussi à faire adopter une motion qui reconnaît que le Québec a le droit de modifier la Constitution de 1867 comme il entend le faire avec son projet de loi 96, mais ce n’est que partie remise.

En tentant de déposer, sans préavis, cette motion aux Communes, les bloquistes pouvaient en être empêchés par un seul « non ».

« Ney », a lancé clairement la députée indépendante et ancienne ministre libérale Jody Wilson-Raybould, après la lecture de la motion.

« Que cette chambre convienne que l’article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982 confère au Québec et aux provinces la compétence exclusive pour modifier leurs constitutions respectives ; et prenne acte de la volonté du Québec d’inscrire dans sa constitution que les Québécoises et les Québécois forment une nation, que le français est la seule langue officielle du Québec et qu’il est aussi la langue commune de la nation québécoise », disait la motion.

Le chef bloquiste Yves-François Blanchet continue de croire qu’il a l’appui de la grande majorité des parlementaires.

Il croit avoir entendu plus qu’un « non » à sa motion, mais est rassuré par le fait qu’aucun élu libéral n’était du nombre.

« Il y a une certitude d’adoption (de la motion) », a-t-il déclaré à sa sortie des Communes, disant constater « un large consensus des élus de la Chambre ».

Il va donc revenir à la charge en déposant cette motion avec préavis et vote par appel nominal, la prochaine fois que le Bloc aura le contrôle des débats de la Chambre, soit à sa prochaine journée d’opposition. Ce sera fait avant le 23 juin, date du début du congé estival.

Quelques minutes avant de demander l’unanimité pour l’adoption de la motion, M. Blanchet avait tenté d’entraîner le premier ministre Justin Trudeau sur le terrain constitutionnel.

« Est-ce que le Parti libéral prendra positivement acte de l’affirmation de la nation québécoise française, lors du dépôt de la motion ? », a demandé M. Blanchet au cours de la période des questions.

« Je peux rappeler au député de Belœil-Chambly ce que cette Chambre a déclaré en 2006 : “Que cette Chambre reconnaisse que les Québécoises et les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni”. C’est toujours notre position », a répondu M. Trudeau.

Pas de permission à demander

En annonçant le libellé de sa motion, mercredi matin, M. Blanchet a tenu à souligner, deux fois plutôt qu’une, qu’il ne s’agit pas ici de demander une « approbation ».

« Je veux que le Parlement prenne acte. Je ne demande la permission à personne. Je ne demande d’autorisation à personne », a-t-il martelé.

Et puis, le fait que tous les chefs fédéraux, de Justin Trudeau à Jagmeet Singh, en passant par Erin O’Toole, ont convenu que Québec était dans son droit lorsque le ministre Simon Jolin-Barrette a déposé le projet de loi 96, ne suffit pas à M. Blanchet.

En point de presse mercredi matin, il a dit ne pas se satisfaire d’une « approbation à la sauvette » et veut plutôt que « la plus haute instance politique », la Chambre des communes, prenne acte du geste du gouvernement québécois.

Même lorsqu’il aura obtenu cela, il ne baissera pas la garde.

« Je comprends que le fédéral n’a pas, à ce moment-ci […], l’intention d’interférer. Vous me permettrez de souhaiter une solidification de cette perception », a-t-il dit.

Il veut donc s’assurer qu’Ottawa ne mettra pas des bâtons dans les roues de Québec pour la suite et que « Québec aura les coudées franches lorsque la loi 96 sera adoptée, pour aller de l’avant sans interférence fédérale ».

Mardi, Justin Trudeau jetait une douche froide sur les ambitions de certains — et le ministre Jolin-Barrette semble être du nombre — qui croient que l’éventuelle loi aura une large portée juridique et que la reconnaissance de la nation québécoise deviendrait une clause interprétative pour analyser d’autres portions de la Constitution.

« Je ne partage pas cette interprétation », a simplement laissé tomber M. Trudeau, en réponse à une question de journaliste.

« Ça ne m’inquiète pas du tout », a réagi M. Blanchet. « Les juristes vont juristifier (sic). Ils vont s’amuser follement avec ça. Mais, de mon point de vue, c’est politique », a-t-il tranché.

Et le Bloc québécois entend mener cette danse politique jusqu’à l’adoption d’une motion aux Communes, et plus loin encore.

La députée indépendante se justifie

Sur son compte Twitter, la députée Wilson-Raybould, ancienne ministre de la Justice dans le premier gouvernement Trudeau, se dit toujours ouverte à discuter nation et langue, en tant que « fière femme d’une Première Nation ».

« Silence = Lâcheté, pas leadership », a-t-elle également gazouillé, ajoutant que la partisannerie mène des députés à « abandonner » le « bon sens » et à « éviter le débat sur des questions constitutionnelles déterminantes ».