(Québec) Québec est déjà prêt à réformer la Loi sur la protection de la jeunesse afin de faire primer le bien-être de l’enfant et de remettre en question la priorité accordée actuellement à son maintien dans sa famille biologique. Il s’agit de l’une des recommandations attendues de la commission Laurent, dont le rapport sera transmis au gouvernement vendredi et rendu public lundi.

Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, entend déposer un projet de loi cet automne afin de renforcer le système de protection de la jeunesse. Les travaux sont bien avancés.

Lors de la fin des audiences de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, en mai 2020, la présidente Régine Laurent laissait savoir qu’une réflexion s’imposait au sujet de la « primauté parentale » prévue à la loi. Il faudrait réaffirmer avec plus de force l’intérêt de l’enfant pour que son bien-être prime.

Le gouvernement Legault a décidé de placer cet enjeu au cœur de sa réforme en préparation.

La loi actuelle prévoit que « toute décision doit tendre à maintenir l’enfant dans son milieu familial ». Cette règle a parfois pour conséquence que des enfants font plusieurs allers-retours entre leurs parents biologiques et des familles d’accueil, ce qui nuit à leur développement et au lien d’attachement.

Mettre fin au « ballottage »

Lors d’une précédente révision de la loi, en 2006, Québec avait voulu mettre fin à ce « ballottage » des enfants, comme on le disait à l’époque. Il avait imposé aux parents des délais maximaux — d’un an à deux ans en fonction de l’âge de l’enfant — pour se reprendre en main et retrouver la garde de leur progéniture.

Or, ces délais sont souvent dépassés. Et dans les deux tiers des cas, les tentatives de réunification avec les parents biologiques échouent, puisque les enfants font l’objet d’un nouveau placement, selon une vaste étude réalisée auprès de milliers d’enfants de la DPJ et rapportée par La Presse le 15 février dernier.

La chercheuse Sonia Hélie, rattachée à l’Institut des jeunes en difficulté du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, plaidait pour que les droits de l’enfant soient réaffirmés. Elle reconnaissait néanmoins que le ballottage des enfants avait diminué dans l’ensemble au fil du temps.

Recommandations mises en œuvre

La commission Laurent a été mise sur pied dans la foulée de la mort tragique, au printemps 2019, d’une fillette de Granby victime de négligence et de violence de la part de son père et la conjointe de ce dernier. Elle était suivie par la DPJ depuis quelques années. Dans une décision rendue le 30 mai 2018, un juge de la Chambre de la jeunesse avait suivi une recommandation de la DPJ et maintenu l’enfant et son frère avec leur père malgré des indications de « négligence au plan éducatif, d’abus physiques et de mauvais traitements psychologiques ».

Le ministre Carmant a déclaré à maintes reprises que le rapport Laurent ne serait pas tabletté. Il a déjà mis en œuvre des recommandations « préliminaires » soumises par la commission Laurent en novembre dernier. C’est ainsi que, le 17 mars, il a créé un poste de Directeur national de la protection de la jeunesse — l’équivalent d’un sous-ministre adjoint dans la hiérarchie. Il a nommé à cette fonction Catherine Lemay, auparavant PDG adjointe du CISSS de la Montérégie-Est.

Système sous pression

Le système de protection de la jeunesse est sous pression. La liste d’attente à la DPJ a augmenté au cours des derniers mois pour retrouver le même niveau qu’il y a deux ans. Plus de 3000 enfants sont en attente d’une évaluation ou d’un autre service.

Lors de son plus récent bilan annuel, la DPJ a dévoilé une hausse des signalements de 12 % en 2019-2020 par rapport à l’année précédente. On en a dénombré 118 000.

Pour Québec, la DPJ est devenue une « salle d’urgence » alors qu’elle devrait plutôt être « les soins intensifs » des services pour la jeunesse. Il y a donc du travail à faire en amont, et en particulier dans la prévention et le dépistage, selon le gouvernement.