Un gouvernement conservateur remplacerait l’actuelle « taxe carbone » fédérale par une « tarification », multiplierait les véhicules électriques et miserait sur la captation du carbone, prévoit le « plan climatique » du parti d’Erin O’Toole, que les critiques ont jugé mince, flou et peu ambitieux.

« La façon plus efficace [de réduire la pollution] est de la tarifier », a déclaré Erin O’Toole en présentant le Plan conservateur pour lutter contre le changement climatique, jeudi.

L’une des mesures phares de ce plan est la création d’un « compte d’épargne pour la réduction du carbone », où seraient versées les sommes prélevées à l’achat de carburant à base d’hydrocarbures ; les gens pourraient ensuite se servir de ces sommes pour l’achat de produits ou de services « verts », comme un vélo, une voiture électrique ou un abonnement à un service de transport en commun.

De tels comptes, qui fonctionneraient un peu comme les programmes de récompenses existant, seraient aussi créés pour les petites entreprises et les fermes.

Après avoir promis d’abolir le mécanisme de tarification de la pollution mis en place par le gouvernement libéral, surnommé « taxe carbone », Erin O’Toole s’est défendu de chercher à le maintenir avec cette idée.

« C’est une tarification, pas une taxe », parce que l’argent ne transitera pas par les coffres de l’État, a-t-il affirmé.

L’idée s’est attirée les critiques du ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson, qui y voit une façon d’inciter à consommer des énergies fossiles.

« Plus vous en brûlez, plus vous gagnez », a-t-il raillé, lors d’un point de presse.

La professeure Annie Chaloux, spécialiste des politiques climatiques canadiennes et québécoises à l’Université de Sherbrooke, croit que cette mesure rate sa cible puisqu’elle n’incitera pas les gens à changer leurs comportements.

Pis encore, « les gens qui ont de gros VUS vont en bénéficier, alors que la personne qui a un véhicule électrique n’aura aucun gain », dit-elle.

170 $ la tonne

Le plan conservateur propose également de maintenir une tarification carbone pour les grands émetteurs, mais de l’arrimer à celles des pays européens et des États américains « ayant des politiques climatiques avancées ».

En cas d’échec de ce régime tarifaire à permettre l’atteinte des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Accord de Paris, les conservateurs se disent « prêts à établir une tarification du carbone industriel de 170 $ la tonne d’ici 2030 ».

L’imposition d’un « tarif frontalier sur le carbone » est aussi mise de l’avant dans le plan, afin d’éviter les « fuites de carbone », soit la délocalisation de la production de certains biens et services dans des États où les normes sont moins strictes.

Un gouvernement conservateur allouerait également 5 milliards de dollars d’ici 2030 aux technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC), exigerait que les véhicules à zéro émission représentent 30 % des ventes de véhicules légers au Canada d’ici 2030 — alors que le Québec interdira en 2035 la vente de véhicules neufs à essence — et exigerait à la même échéance que 15 % du gaz naturel consommé au pays soit « renouvelable », c’est-à-dire produit à partir de matière organique.

Les conservateurs miseraient également sur le gaz naturel liquéfié (GNL) et l’hydrogène comme moteur économique d’une « stratégie nationale sur l’énergie propre ».

Plus efficace que le plan libéral ?

La firme indépendante Navius estime que le plan conservateur permettrait de réaliser « pratiquement les mêmes réductions » de GES que le plan du gouvernement libéral à l’horizon 2030, se félicite le Parti conservateur.

Mais c’est faire abstraction du fait que les cibles doivent être revues à la hausse tous les cinq ans, conformément à l’Accord de Paris sur le climat, rétorque le ministre Wilkinson — le Canada annoncera d’ailleurs de nouvelles cibles lors d’un sommet sur le climat, la semaine prochaine à Washington.

La professeure Annie Chaloux y voit un plan de « demi-mesures » qui s’apparentent davantage à des « échappatoires » pour éviter de perturber les habitudes des gens.

« Le plan dit "on peut être ambitieux, mais on va essayer autre chose avant d’être ambitieux" », résume-t-elle.

Pour Greenpeace Canada, « les conservateurs proposent d’abaisser la barre » avec un plan qui « plaira aux pétrolières, mais ne placera pas le Canada et notre économie sur une trajectoire garantissant un avenir sans carbone », a déclaré le responsable de la campagne climat et énergie de l’organisation, Patrick Bonin.