(Ottawa) Il existe deux langues officielles au pays, mais une seule est en déclin. C’est pourquoi la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, croit qu’il est urgent d’adopter un train de mesures pour renforcer la place du français non seulement au Québec, mais aux quatre coins du pays.

Dans un document de réforme d’une trentaine de pages qu’elle dévoilera vendredi, la ministre Joly recommande qu’Ottawa reconnaisse en toutes lettres pour la première fois que la langue officielle du Québec est le français. Elle préconise aussi que le gouvernement fédéral établisse des objectifs clairs sur trois ans pour attirer des immigrants francophones. Et elle croit qu’une augmentation du financement des programmes d’immersion en français s’impose dans les provinces majoritairement anglophones afin de répondre à la forte demande de parents qui veulent que les enfants apprennent la langue de Molière.

« Ce n’est pas juste l’État qui doit être bilingue. Les citoyens doivent l’être aussi », a déclaré la ministre Joly dans une entrevue accordée à La Presse jeudi.

« Il y a un problème au Canada anglais. Il y a des listes d’attente. Les parents doivent participer à des systèmes de loterie pour être en mesure d’envoyer leurs enfants à l’école d’immersion en français. C’est complètement inacceptable. Chaque fois qu’un enfant ne peut aller à l’école d’immersion en français, on perd un futur citoyen bilingue. On se retrouve à le pénaliser alors qu’on est dans un pays bilingue », a-t-elle aussi souligné.

Dans le document de réforme, Mme Joly juge essentiel que le programme de contestation judiciaire soit enchâssé dans la Loi sur les langues officielles pour éviter qu’il soit aboli au fil des changements de gouvernement à Ottawa, comme ce fut le cas quand le gouvernement conservateur de Stephen Harper a pris le pouvoir en 2006.

Entre autres choses, le programme de contestation judiciaire a permis aux Franco-Ontariens de mener une bataille judiciaire pour empêcher la fermeture de l’hôpital Montfort à la fin des années 1990. Il a aussi permis aux francophones de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse d’obtenir un meilleur financement de leurs établissements scolaires.

Élargir l'application des mesures

Au Québec, le document de réforme entérine l’idée que les employés travaillant pour des entreprises de compétence fédérale comme les banques et les sociétés de télécommunications aient le droit d’exiger de travailler en français. Qui plus est, les entreprises qui comptent 50 employés et plus auraient l’obligation de communiquer avec ces employés en français si tel est leur désir.

Ces mesures pour renforcer le français devraient s’appliquer aussi dans les régions du pays qui comptent un bassin important de francophones, par exemple au Nouveau-Brunswick ou dans l’est et dans le nord de l’Ontario, par exemple. Un comité d’experts sera mandaté pour établir d’ici 60 jours les paramètres d’application de ces mesures.

Fruit de plusieurs mois de consultations menées dans l’ensemble du pays et de plusieurs semaines de réflexion au cabinet, le document de réforme doit être le socle sur lequel s’appuiera une Loi sur les langues officielles modernisée et adaptée aux réalités linguistiques du pays. La Presse a obtenu jeudi une copie du document qui s’intitule « Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada ».

Ce document, qui a été entériné par le cabinet dans son intégralité, tient à rendre obligatoire la nomination de juges qui maîtrisent les deux langues officielles dès leur entrée en fonction en l’inscrivant dans la Loi sur les langues officielles.

« Nous prenons nos responsabilités pour assurer l’avenir du français au pays. Nous agissons dans nos champs de compétence et le gouvernement fédéral sera un allié », a avancé Mme Joly.