L’opposition existe encore à l’Assemblée nationale, et elle aimerait qu’on le sache. Mais il y a une différence entre la visibilité et la pertinence.

Être vu, c’est bien. Le faire en restant crédible, c’est encore mieux. Passer à la télé n’est pas garant de succès – si c’était le cas, l’ADQ aurait gagné les élections de 2008…

Avec le retour à l’Assemblée nationale, ce piège guette les partis de l’opposition. On l’a vu mercredi avec le Parti québécois.

Depuis le début de la crise, les péquistes demandent au gouvernement d’écouter la Santé publique. Mais quand le DArruda leur déplaît, leur message change. Ils disent à la Santé publique : écoutez les autres scientifiques.

La logique est dure à suivre. Par contre, elle est commode. Étant donné le nombre de chercheurs sur la planète, on en trouvera toujours un pour contredire les autres.

Mercredi, le chef Paul St-Pierre Plamondon réclamait que les gyms rouvrent. Il a raison, l’activité physique aide à la santé mentale, mais le sport peut aussi se pratiquer ailleurs. Faut-il prendre ce risque ? Je ne sais pas.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, au premier plan, et le chef parlementaire de sa formation, Pascal Bérubé

Pour l’affirmer avec une telle assurance, il faut fournir des preuves aussi crédibles que celles exigées du gouvernement.

Déterminer précisément le nombre de gens contaminés au gym est difficile. Et même si les cas passés étaient rares, il pourrait néanmoins y en avoir à l’avenir. Il n’y a pas d’indicateur chiffré simple pour prédire la probabilité d’éclosions. On est dans la gestion de risque. Dans la prévention basée sur le gros bon sens : plus il y a de contacts, plus le risque de transmission augmente.

On ne veut pas tout interdire ni tout permettre, alors des choix doivent être faits en tranchant dans le gris.

Cela se discute. Or, le PQ dépeint un monde en noir et blanc. « Essayez de comprendre une quelconque cohérence scientifique dans ce qui se passe en ce moment. […] Essayez de comprendre pourquoi on favorise les musées par rapport aux centres de conditionnement physique, essayez de comprendre quoi que ce soit », dénonce son chef.

J’utilise cet exemple parce qu’il détonnait lors de la rentrée parlementaire. Mais dans les derniers mois, les libéraux et les solidaires auraient aussi pu être accusés de la même chose.

D’ailleurs, la cheffe libérale Dominique Anglade n’avait pas gagné un concours de modération, l’automne dernier, quand elle avait accusé Québec de menacer rien de moins que « la paix sociale ».

Depuis son élection, le PQ forme une aile parlementaire redoutable. Ses députés sont rigoureux et efficaces. C’est grâce à eux, par exemple, qu’on a appris que la Santé publique n’avait pas recommandé – ni déconseillé – la fermeture des restaurants.

Mais il y a un danger à aller trop loin. Exposer la confusion du gouvernement, c’est utile. La créer soi-même, c’est moins constructif.

Si on transforme les avis du DArruda en parole d’Évangile dans un dossier, en implorant de les rendre publics, pourquoi les banaliser quand ils ne plaisent pas ?

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J’interromps la programmation régulière de cette chronique pour rappeler une évidence. Je le sais, le terme « gérant d’estrade » s’applique aussi très bien – et même mieux – à un chroniqueur comme moi.

Sur ce, poursuivons tous ensemble avec la même cible dans le front.

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Même durant la pandémie, l’opposition joue un rôle important.

Elle peut proposer des solutions, comme l’a fait la libérale Marwah Rizqy avec son projet de sommet sur la réussite éducative. Une autre excellente idée de sa part, qui pourrait être reprise par le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge.

Elle peut aussi forcer le gouvernement à s’expliquer. Car il est vrai que les avis de la Santé publique font parfois l’objet d’un débat parmi les scientifiques. Par exemple, pourquoi les purificateurs d'air et les tests rapides sont-ils recommandés ailleurs, mais pas ici ?

Ce qu’on nomme « la science » est moins un ensemble de certitudes qu’une méthode de recherche de la vérité. L’opposition fait son boulot en relayant les critiques rationnelles des experts. Mais elle va trop loin quand elle fait une collecte sélective de l’info pour ne retenir que ce qui contredit le gouvernement, en maquillant en certitude ce qui devrait être présenté en nuances de gris.

Le combat contre la COVID-19 ne relève pas de la science pure ou de la technocratie. Les choix dépendent aussi de valeurs. Pour trouver le « bon » équilibre entre les avantages et inconvénients, il faut trancher en fonction de valeurs et principes.

Par exemple, pour le couvre-feu et les sans-abri, dans le doute, François Legault a davantage écouté les policiers que les intervenants communautaires. Il a suivi ses réflexes politiques, avec le résultat que l’on connaît.

Une bonne gestion de crise dépend de la compétence, de la cohérence, de la transparence et de l’empathie. Le gouvernement doit être surveillé sur ces quatre fronts.

Il y a donc une place pour la politique, mais pas pour le politicaillage. De toute façon, cela n’ira pas très loin…

L’opposition traverse un moment ingrat. C’est durant une crise que Lucien Bouchard (verglas), Pauline Marois (Lac-Mégantic) et Philippe Couillard (inondations) ont atteint leur sommet de popularité, et cela se répète avec François Legault. Mais comme les autres, il va redescendre. Au moins un peu.

À court terme, l’opposition a peu de chances d’écorcher le gouvernement caquiste. Cet hiver, la crise lui offre moins une chance de marquer des points que de se définir.

Et parfois, la modération a meilleur goût.