(Ottawa) Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, se défend d’avoir erré en soulevant des questions qu’il juge « légitimes » au sujet de la « proximité » du nouveau ministre des Transports, Omar Alghabra, avec le mouvement islamique politique.

Vertement critiqué par les libéraux de Justin Trudeau, qui l’accusent d’avoir répandu « des insinuations » qui sèment « l’intolérance et la haine », M. Blanchet est resté campé sur ses positions mardi, durant une conférence de presse.

« J’ai posé poliment de façon irréprochable une question légitime, et le gouvernement et le premier ministre ont l’obligation d’y répondre », a affirmé le chef bloquiste en réponse à plusieurs questions des journalistes sur cette controverse.

Pas question, donc, de présenter des excuses au ministre Omar Alghabra, comme le réclament les libéraux depuis deux semaines.

« La question que j’ai soulevée d’une façon absolument polie et absolument courtoise, c’était basé sur des textes du Journal de Montréal, le Journal de Québec et du très torontois et pas très indépendantiste Globe and Mail. C’est un procédé tout à fait normal. Les Québécois ont des inquiétudes en matière de laïcité et en matière de sécurité », a-t-il également fait valoir.

Les articles en question dans les journaux de Québecor étaient en fait des textes de chroniqueurs qui s’appuyaient sur des allégations sans fondement véhiculées par Rebel News, un site internet proche de l’extrême droite au pays qui est souvent alimenté par les complotistes.

Dans un communiqué émis il y a deux semaines, M. Blanchet a affirmé qu’il « refuse d’accuser qui que ce soit, mais des questions se posent sur la proximité du nouveau ministre des Transports, Omar Alghabra, avec le mouvement islamique politique dont il a été un dirigeant pendant plusieurs années ».

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Omar Alghabra

Les propos du chef bloquiste, qui laissent entendre que M. Alghabra a des penchants islamistes, ont provoqué un tollé dans les rangs libéraux, et ont aussi été condamnés par le chef du NPD Jagmeet Singh. L’ancien chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a déclaré au quotidien Le Devoir que M. Blanchet a manqué de prudence en tenant de tels propos sans fournir de preuve.

Des ministres exigent des excuses

Aux Communes, mardi, des ministres du gouvernement libéral ont dénoncé le refus de M. Blanchet de présenter des excuses. « Des insinuations qui sèment l’intolérance et la haine contre quiconque sont intolérables au Québec et partout au pays. Nous ne pouvons pas laisser des jeux partisans créer un climat hostile. Aujourd’hui, le chef du Bloc en a rajouté une couche par rapport à ses précédentes remarques regrettables et honteuses au lieu de s’excuser. Ce type de comportement est loin d’être honorable. Il est odieux et indigne d’un leader », a lancé la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier.

La vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, a dit avoir « beaucoup de respect » pour le chef du Bloc québécois après avoir travaillé avec lui sur le dossier de l’aluminium. « Je veux exprimer ma grande déception envers le chef du Bloc d’avoir doublé ses propos faux au sujet de mon collègue. le ministre des Transports, et je voudrais lui donner l’occasion de lui présenter publiquement des excuses dans cette Chambre ».

Il y a deux semaines, le premier ministre Justin Trudeau a affirmé que les propos du chef bloquiste alimentent « l’intolérance et la haine » au pays.

« J’ai été tellement étonné de voir les propos inacceptables de M. Blanchet, surtout après la semaine qu’on vient de vivre aux États-Unis où on voit à quel point les insinuations […] de la désinformation. Ces encouragements à de l’intolérance et à de la haine […] par cela n’a pas sa place au Canada. Et ce n’est pas digne d’un chef de parti fédéral », a affirmé le premier ministre.

Dans une entrevue à La Presse peu après sa nomination, le nouveau ministre des Transports s’est dit « déçu » des insinuations que répand le chef du Bloc québécois et il l’a convié à un entretien à sa convenance pour « qu’il apprenne à mieux me connaître. »

M. Alghabra a dirigé pendant deux ans, soit en 2004 et 2005, la Fédération canado-arabe (FAC) en tant que bénévole. À ce titre, il a eu l’occasion de rencontrer en privé Gilles Duceppe, alors qu’il était chef du Bloc québécois, et les autres leaders politiques à tour de rôle de l’époque, soit l’ancien premier ministre Paul Martin, l’ancien chef du Parti conservateur Stephen Harper, et l’ancien chef du NPD, le regretté Jack Layton.

« Les mots comptent, surtout quand ils viennent d’un chef d’un parti politique comme le Bloc québécois », a lancé le ministre Alghabra.

« Les mots que prononce un leader ont un poids. […] Ce que les leaders disent alimente un environnement ou un climat politique. Et il faut se demander quel genre de climat politique nous voulons pour notre société », a-t-il ajouté, en faisant allusion aux violences survenues aux États-Unis, alimentées par les propos incendiaires du président Donald Trump.

Ingénieur de formation, M. Alghabra a fait le saut en politique fédérale en se faisant élire pour la première fois dans la circonscription de Mississauga-Erindale en 2006. Il a été défait en aux élections de 2008 de même que celles de 2011, mais il a remporté la victoire dans la circonscription de Mississauga-Centre en 2015 et en 2019.

Né en Arabie saoudite de parents syriens, M. Alghabra est arrivé au Canada à l’âge de 19 ans. Depuis quelques années, des accusations circulent sur le web selon lesquelles M. Alghabra aurait appuyé l’intention du gouvernement de l’Ontario en 2004 d’instaurer la création de tribunaux islamiques pour trancher les litiges familiaux. Cette idée a finalement été abandonnée par l’Ontario.

Le bureau du ministre affirme que ce sont des accusations sans fondement colportées par Rebel News. « Il n’a jamais été en faveur de la charia ni des tribunaux islamiques », a affirmé Amy Butcher, la directrice des communications du ministre.