(Ottawa) La sénatrice ontarienne Lynn Beyak, connue pour ses propos controversés sur les pensionnats pour Autochtones, annonce qu’elle prend sa retraite trois ans avant la date obligatoire — et avant d’être possiblement expulsée de la chambre haute.

Mme Beyak en a fait l’annonce lundi ; sa retraite est effective immédiatement. Dans un communiqué transmis aux médias, elle explique que lors de sa nomination il y a huit ans, elle s’était engagée à ne servir que huit ans au Sénat. C’était alors la limite de mandat qui aurait été imposée aux sénateurs dans le cadre du plan initial du gouvernement de Stephen Harper visant à avoir un Sénat élu, ce qui ne s’est jamais concrétisé.

Or, 30 autres sénateurs nommés par le premier ministre Harper siègent toujours à la chambre haute et tous sauf un — le sénateur albertain Scott Tannas — y sont maintenant depuis plus de huit ans.

La sénatrice s’était retrouvée sur la sellette en 2017 en déclarant, dans un discours à la chambre haute, qu’il y avait de bonnes intentions derrière les pensionnats pour Autochtones. Ces propos lui avaient valu d’être expulsée du caucus conservateur.

Puis, en juin dernier, le comité de l’éthique du Sénat avait recommandé la suspension d’un an de Mme Beyak de la chambre haute. Certains autres sénateurs ont alors entamé des démarches pour obtenir l’expulsion de Mme Beyak, et non plus sa simple suspension. Sa retraite anticipée met fin à cette procédure.

Elle a indiqué lundi qu’elle ne regrettait pas ses propos sur les pensionnats et qu’une conversation « franche et honnête » devait avoir lieu sur les enjeux autochtones. « Certains m’ont critiquée pour avoir déclaré qu’on devrait reconnaître les avantages et les inconvénients des pensionnats pour Autochtones. Je maintiens cette affirmation », a-t-elle écrit. « D’autres m’ont critiquée pour avoir déclaré que le rapport sur la vérité et la réconciliation n’était pas aussi équilibré qu’il le devrait. Je maintiens aussi cette déclaration. »

Des lettres jugées racistes

Mme Beyak avait aussi eu des ennuis pour des lettres désobligeantes de Canadiens à propos des peuples autochtones qu’elle avait partagées sur son site internet du Sénat. Ces propos faisaient suite au changement de nom de l’immeuble où se trouve le cabinet du premier ministre à Ottawa, qui à l’époque s’appelait l’édifice Hector-Louis-Langevin, un personnage impliqué dans le système des pensionnats pour Autochtones.

Mme Beyak avait soutenu que ces pensionnats avaient quand même eu du bon pour les enfants autochtones. Le conseiller en éthique du Sénat, Pierre Legault, avait conclu en mars 2019 que cinq des lettres de citoyens contenaient des propos racistes. Mme Beyak, qui avait été expulsée du caucus conservateur à cause de cette affaire, avait alors été suspendue sans solde du Sénat, en mai 2019.

Elle a refusé pendant près d’un an de supprimer les lettres, se présentant comme une championne de la liberté d’expression et une victime de la rectitude politique. Les lettres ont finalement été supprimées de son site par l’administration du Sénat. Elle s’est finalement excusée et a accepté de suivre une formation sur la sensibilité culturelle, mais le comité d’éthique a estimé que ses excuses initiales étaient superficielles et que sa formation avait été un échec.

Dans sa lettre officielle de retraite au Sénat, lundi, Mme Beyak défend à la fois ses propos de 2017 et sa décision de partager les lettres de citoyens. Elle se dit victime de ceux qui, avec l’aide de certains médias, veulent contrôler le discours et s’opposent à « un débat honnête ».