(Ottawa) Le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, ne craint pas que la croisade qu’il mène en faveur de l’application de la loi 101 aux entreprises sous charte fédérale au Québec provoquera un ressac dans le reste du pays.

Alors que des élections fédérales pourraient avoir lieu au printemps, M. O’Toole a affirmé que la protection de la langue française est une priorité de son parti, d’où son engagement à appuyer sans détour les démarches que prendra le gouvernement Legault au début de la nouvelle année pour renforcer la loi 101 au Québec.

Rappelant qu’il a déjà consulté l’Office québécois de la langue française quand il était avocat dans le secteur privé employé de Gillette, M. O’Toole a indiqué qu’il avait rencontré les représentants de certaines grandes entreprises au Québec qui seraient touchées par l’application de la Charte de la langue française afin de les sensibiliser.

« C’est une question de respect », a affirmé M. O’Toole durant une entrevue accordée à La Presse visant à faire le bilan de la dernière session parlementaire et de ses premiers mois en tant que chef du Parti conservateur.

« Oui, les Canadiens dans l’Ouest comprennent cela. C’est pourquoi il n’y a pas de ressac, en particulier dans le cas des Canadiens qui adorent notre histoire. C’est important pour moi de dire que nous avons une histoire qui comprend aussi les Québécois. »

La nation québécoise et l’importance du français, c’est une question de l’identité canadienne. C’est ce qui nous distingue des Américains aussi.

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur

Tirs croisés des conservateurs et des bloquistes

Durant la dernière session parlementaire, le Parti conservateur et le Bloc québécois ont exercé de vives pressions sur les libéraux de Justin Trudeau afin qu’ils acceptent que la loi 101 s’applique aussi aux entreprises qui sont réglementées par le gouvernement fédéral telles que les banques et les sociétés de télécommunications, entre autres.

En plus de poser de nombreuses questions, le Parti conservateur a forcé la tenue d’un débat d’urgence sur l’état du français à Montréal. Par la suite, six anciens premiers ministres du Québec ainsi que les maires des grandes villes de la province ont formellement appuyé cette idée.

Le gouvernement Trudeau, qui compte moderniser la Loi sur les langues officielles, a reconnu que la langue française doit être protégée au Québec, mais il s’est bien gardé de donner son appui à une telle mesure réclamée par le premier ministre François Legault.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

François Legault, premier ministre du Québec

« Je n’ai aucun problème avec cela. Cette loi existe depuis quatre décennies. Il est temps de respecter une loi qui vise à protéger la langue française », a affirmé M. O’Toole, qui a donné son appui à une telle démarche dès la rencontre qu’il a eue avec M. Legault en septembre, deux semaines après son élection à la tête du Parti conservateur.

Prochaines élections

Au sujet du prochain rendez-vous électoral, Erin O’Toole affirme que l’on doit avant tout s’attaquer à la pandémie de COVID-19 avant de plonger le pays dans des élections. Certes, Justin Trudeau dirige un gouvernement libéral minoritaire à la Chambre des communes et il devra rendre des comptes aux électeurs tôt ou tard. Mais le chef conservateur ne participera à aucune manœuvre qui pourrait provoquer des élections tant que la crise sanitaire ne sera pas dernière nous.

S’il soutient que le Parti conservateur « est le gouvernement en attente », il entend faire preuve de patience. « Ce n’est pas le temps d’avoir des élections. On doit se concentrer sur la santé et l’économie. On doit aider nos PME, qui sont en crise en ce moment », tranche M. O’Toole. « Mais on doit aussi être prêts », ajoute-t-il du même souffle.

Durant la dernière session, M. O’Toole affirme que son parti a bien rempli son rôle d’opposition officielle en talonnant le gouvernement Trudeau au sujet de l’obtention de tests rapides pour la COVID-19 ou encore en ce qui concerne l’élaboration d’un plan détaillé pour le déploiement du vaccin. « Je suis fier du travail de notre équipe pendant la session », a-t-il avancé, ajoutant que ses troupes avaient forcé le gouvernement Trudeau à refaire ses devoirs dans certains dossiers tout en proposant des solutions de rechange.

L’un des clous sur lesquels le Parti conservateur a beaucoup frappé durant les quatre derniers mois est la nature des relations entre le Canada et la Chine. M. O’Toole se défend d’en faire une « obsession », mais il affirme que le Canada doit se donner une politique étrangère plus ferme envers le régime communiste chinois.

« M. Trudeau est totalement déconnecté de la réalité en ce qui concerne la Chine », a dit M. O’Toole, qui croit que le Canada et ses alliés qui sont membres des Five Eyes (États-Unis, Grande-Bretagne, Australie et Nouvelle-Zélande) doivent se concerter pour faire contrepoids aux visées de la Chine. « On doit avoir une approche commune avec nos alliés » en écartant catégoriquement le géant chinois des télécommunications Huawei du déploiement de la technologie 5G sur le territoire canadien, à l’instar des autres alliés des Five Eyes, a-t-il donné à titre d’exemple.

C’est clair qu’on peut travailler avec nos alliés parce que la Chine est une menace maintenant et on doit avoir des politiques sérieuses et on doit défendre nos valeurs sur la scène internationale.

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur

Au cours de la prochaine campagne électorale, M. O’Toole a promis que son parti présenterait un plan environnemental « crédible » qui permettra d’atteindre les cibles établies par l’Accord de Paris sur les changements climatiques et qui permettra aussi au Canada d’être carboneutre d’ici 2050.

M. O’Toole dit qu’il s’oppose toujours à la taxe fédérale sur le carbone du gouvernement Trudeau, qui augmentera de 15 $ la tonne par année à compter de 2023 pour atteindre 170 $ en 2030.

« Il y a une crise économique et une crise de confiance dans le secteur privé. Ce n’est pas le temps d’augmenter les taxes pour les Canadiens et les entreprises. Il faut avoir un plan pour la création de richesse pour relancer l’économie », a-t-il martelé. Il a aussi fait valoir que l’on pourrait réduire d’une manière importante les émissions de gaz à effet de serre en mettant au pas les 700 plus grands émetteurs au Canada, qui sont responsables de 33 % des émissions par année.