(Ottawa) Élections Canada a vu apparaître sur les réseaux sociaux des publications de Canadiens se demandant si le dernier scrutin fédéral avait été truqué avec des technologies électorales douteuses.

Ces publications étaient liées à la présidentielle américaine et aux affirmations non vérifiées de Donald Trump et de ses alliés selon lesquelles les tabulateurs de vote automatiques étaient à blâmer pour sa défaite contre Joe Biden.

Dans une volonté d’éduquer les électeurs canadiens, l’organisme fédéral a cru bon préciser sur Twitter, le 16 novembre, qu’il n’utilise que des bulletins de vote sur papier dépouillés manuellement.

Le lendemain, Donald Trump a repris le gazouillis en le désignant comme la preuve d’un complot contre lui.

« C’est malheureux et pas du tout voulu », a écrit le directeur général des élections du Canada, Stéphane Perrault, en réponse à un courriel avec un lien vers cette publication du président sortant des États-Unis.

Le courriel fait partie de près d’une quarantaine de pages de documents obtenus par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. De nombreux passages ont été caviardés, étant identifiés comme des conseils sensibles à l’intention de hauts fonctionnaires, et des noms ont été censurés pour des raisons de confidentialité.

Il semble que la genèse du gazouillis remonte au 9 novembre, avec des discussions dans les jours qui ont suivi sur la manière de répondre aux préoccupations autour des machines utilisées lors de l’élection américaine.

Des responsables d’Élections Canada ont fait remarquer que plusieurs Canadiens affirmaient sur les médias sociaux que des machines conçues par l’entreprise Dominion avaient également été employées ici. Certains croient même que « les résultats de la dernière élection étaient illégitimes », peut-on lire dans un document interne.

« Les utilisateurs participant à ces discussions soulignent que des machines ont été utilisées ou pourraient être utilisées pour compter les votes, ajoutant au système déjà corrompu et conduisant à des résultats truqués », a-t-on signalé.

« La plupart des utilisateurs semblent apprécier le fait qu’Élections Canada fournisse de l’information factuelle et l’information est utilisée pour répondre à des messages inexacts. »

C’est ce sur quoi misait l’organisme indépendant en expliquant le système électoral canadien, particulièrement le recours à des bulletins de vote par correspondance, plus répandus au sud de la frontière en raison de la pandémie.

Les tabulateurs automatiques ne sont pas utilisés dans le cadre d’élections fédérales, mais ceux de Dominion ont déjà été employés dans la course à la direction d’un parti, soit celle où Justin Trudeau est devenu chef libéral.

Le premier gazouillis portant sur des appareils à voter ou compiler les votes a été publié le 12 novembre.

Quatre jours plus tard, l’organisme a de nouveau tweeté sur la question : « Élections Canada n’utilise pas les systèmes de vote Dominion, mais plutôt des bulletins de vote papier, qui sont comptés à la main devant des représentants de candidat. En 100 ans, l’organisme n’a jamais utilisé de machine à voter ni de machine pour compter les votes. »

Le lendemain, à 16 h 10, un courriel interne a relevé que la publication avait suscité « beaucoup d’interactions très positives » et « beaucoup de nouveaux abonnés aussi ».

Moins d’une demi-heure plus tard, le président américain a relayé la publication. « ÇA DIT TOUT ! », a-t-il écrit en partageant la publication à ses 88,5 millions d’abonnés.

Élections Canada a reçu six demandes de médias dans les 45 minutes suivantes, tandis que les réactions se multipliaient sur les réseaux sociaux et les courriels commençaient à affluer dans la boîte de réception de M. Perrault.

Un membre du Parti libéral — dont le nom a été caviardé, mais pas le domaine « @liberal.ca » — lui a notamment signalé le retweet de Donald Trump.

« Oui, c’est très malheureux et pas du tout prévu : notre équipe de réseaux sociaux répondait simplement à des questions persistantes et à des histoires inexactes sur notre recours à Dominion », a écrit M. Perrault en réponse à un courriel similaire venant de son homologue de la Colombie-Britannique.

« Nous n’avons rien contre Dominion (ni la tabulation quand son utilisation est justifiée). Dominion et les OGE (organismes de gestion électorale) qui s’appuient sur ces systèmes ne méritent pas ça. »

Alors que l’organisme devait composer avec les retombées de ce retweet, une ébauche de réponse a été préparée pour indiquer que la publication était « destinée à informer les gens » qui « croyaient à tort » que des machines à voter étaient employées dans les élections fédérales « et ne devrait pas être interprétée autrement ».