(Ottawa) François Legault s’est dit « totalement en désaccord » avec Justin Trudeau qui, vendredi, a posé des limites à la liberté d’expression lorsqu’il a été interrogé sur le droit à la caricature des religions en général, du prophète des musulmans en particulier.

Des caricatures de Mahomet ont servi de prétextes à des attaques sanglantes en France ces deux dernières semaines.

Vendredi, le premier ministre Trudeau a comparé la publication de ces caricatures à l’acte de crier « au feu » dans un cinéma bondé. Tout en disant défendre la liberté d’expression, il a insisté sur la nécessité de mettre des limites à cette liberté, dans un souci de sécurité publique, semblait-il.

Lundi matin, à Montréal, le premier ministre Legault a clairement choisi son camp.

« Non. Je ne suis pas d’accord avec Justin Trudeau. Je suis d’accord avec Emmanuel Macron », a répondu M. Legault à la question d’une journaliste.

« On ne peut pas accuser des personnes qui ont fait des caricatures… De justifier de cette façon-là de la violence… Je suis, vraiment, totalement en désaccord avec M. Trudeau. Il faut protéger la liberté d’expression », a lancé M. Legault.

Le président français, depuis la décapitation, le 16 octobre, d’un enseignant en pleine rue, revendique le droit de se moquer des religions et clame la nécessité de protéger la liberté d’expression avant tout.

Samuel Paty, un enseignant d’histoire, avait montré des caricatures de Mahomet dans un de ses cours. Jeudi, à Nice, deux femmes et un homme ont été égorgés dans une église par un jeune Tunisien.

La sortie de M. Trudeau, vendredi, a suscité des réactions — peu favorables — jusqu’en France.

Samedi, le quotidien Le Monde titrait « le soutien mesuré et ambigu de Justin Trudeau à la France ». Vendredi, le rédacteur en chef, politique et économie, de Paris Match, Bruno Jeudy, relayait la déclaration de M. Trudeau sur son compte Twitter, y ajoutant en commentaire : « Avec des amis comme ça #Trudeau ».

Et aux Communes

Le chef du Bloc québécois s’est levé en Chambre, lundi après-midi, pour adresser un message directement au président Macron.

« La formation politique que je représente se dissocie sans équivoque […] du grave manque de courage exprimé par le premier ministre du Canada quant à l’étendue de la liberté d’expression », a déclaré Yves-François Blanchet.

Quelques minutes plus tôt, en point de presse, il s’était attaqué aux propos du premier ministre Trudeau.

« En parlant de provocation, il a cautionné le pire en laissant croire qu’il pouvait s’agir là d’une explication, d’une circonstance atténuante à un geste qui ne peut être que, totalement et sans conditions, dénoncé », a-t-il accusé.

Lorsque les conservateurs se sont levés à leur tour en Chambre, ils ont lancé les mêmes accusations.

« Ce premier ministre-là qui, lui, doit défendre la liberté d’expression, au contraire, il met des conditions. Pourquoi ? », a demandé Gérard Deltell, leader parlementaire des conservateurs.

« Nous devrions éviter de politiser cette question. […] Tous les Canadiens et les Canadiennes ont été horrifiés par les récents attentats qui ont été perpétrés en France. Nous sommes, bien évidemment, solidaires (des) Français », lui a répondu le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne.

Le premier ministre Trudeau, lui, n’était pas en Chambre pendant la période des questions de lundi après-midi.