(Ottawa) Les libéraux et les conservateurs s’opposent toujours à des excuses officielles pour la crise d’Octobre. Des heures de débats n’y auront rien changé.

Le Bloc québécois utilisait sa journée d’opposition jeudi aux Communes pour réclamer des excuses officielles du premier ministre Justin Trudeau pour la promulgation de la Loi sur les mesures de guerre, le 16 octobre 1970, qui a mené à l’arrestation sans mandat et l’incarcération de quelque 500 Québécois d’allégeance indépendantiste.

Les bloquistes ont pris soin de nommer, un par un, les noms de ces personnes arrêtées par la police. Ils y sont aussi allés d’anecdotes personnelles.

Le député bloquiste Luc Desilets a notamment raconté comment sa résidence avait été perquisitionnée et qu’il avait été fouillé par des agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) alors qu’il n’avait que 12 ans. Son père, le photojournaliste Antoine Desilets, était dans la mire des policiers. Il dit avoir eu besoin de verrouiller la porte de sa chambre après cet épisode.

Son collègue Denis Trudel a pour sa part raconté l’histoire de la sexologue Jocelyne Robert qui, à 22 ans et enceinte de sept mois, a été incarcérée à la prison de Parthenais à Montréal et forcée de subir un examen gynécologique. Elle ne réussira à parler de son traumatisme que plusieurs années plus tard.

Le conservateur Gérard Deltell a insisté sur le fait que ce n’est pas au gouvernement canadien de présenter des excuses pour la Loi sur les mesures de guerre, puisqu’il répondait à une demande du gouvernement du Québec.

« Le gouvernement fédéral ne peut pas décider d’envoyer l’armée comme ça. […] Ce qu’on voit trop souvent dans certains documentaires ou, enfin, dans certains propos, c’est comme si le premier ministre Pierre Trudeau s’était réveillé un soir dans la nuit et a dit : « Let’s go, on va envoyer l’armée et on va sacrer une volée aux séparatistes. » Ce n’est pas ça. C’est le gouvernement du Québec, l’autorité suprême du Québec, qui a demandé au gouvernement fédéral d’intervenir », a-t-il déclaré dans un discours.

« Est-ce que le Bloc québécois aurait souhaité que le gouvernement fédéral dise non à Québec ? »

Des députés libéraux du Québec ont quasiment ignoré le sujet du jour, préférant vanter les programmes d’aide de leur gouvernement pendant la pandémie.

Et lorsqu’ils décidaient d’aborder le sujet de la crise d’Octobre, c’était pour déplorer que les bloquistes aient fait fi, dans leur motion, de la mort de l’ex-vice-premier ministre Pierre Laporte aux mains des felquistes. « Pourquoi s’acharnent-ils à aseptiser cette version de l’histoire ? Pourquoi juste entendre leur côté de l’histoire ? » s’est plaint Steven MacKinnon, député libéral de Gatineau.

« Les torts des uns n’effacent pas les torts des autres, et la souffrance des uns n’annule pas la souffrance des autres. Il y a eu des rafles massives, plus de 30 000 descentes dans des appartements et des maisons, 500 arrestations arbitraires dignes des régimes autoritaires […] et ces bavures policières n’auraient pas pu être possibles sans la suspension des droits civiques, dont la Loi sur les mesures de guerre », a plaidé Alexandre Boulerice, du Nouveau Parti démocratique.

« Est-ce que le gouvernement fédéral n’a pas une responsabilité quand même, puisque le vote s’est fait ici, dans cette Chambre et que ces gens-là méritent à tout le moins des excuses ? »

Le vote sur la motion bloquiste aura lieu lundi. Elle ne sera vraisemblablement pas adoptée, puisque les libéraux et les conservateurs ont déjà indiqué qu’ils voteront contre.