(Ottawa) La classe politique fédérale a pris une dizaine de jours avant d’exprimer officiellement sa solidarité avec la France, secouée par l’assassinat de Samuel Paty.

L’enseignant, décapité en pleine rue, a été tué pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves.

Lundi, la Chambre des communes a observé un moment de silence à sa mémoire. Mardi, elle a adopté, unanimement, une motion qui « condamne avec la plus grande sévérité l’attentat terroriste survenu le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine, en France, qui a attaqué une des valeurs fondamentales en démocratie, soit la liberté d’expression ».

Les deux gestes ont été posés à l’initiative des élus bloquistes.

Ceux-ci n’ont donc pas hésité, mardi après-midi, à souligner le long silence officiel du gouvernement canadien, tout en prétendant ne pas vouloir s’y attarder.

« Il nous apparaissait que ce n’était pas au deuxième groupe d’opposition de faire en sorte que le gouvernement canadien, que la Chambre des communes, se prononcent sur un acte aussi sanguinaire, aussi barbare. C’était au gouvernement canadien […] de manifester son indignation à l’égard de ce geste et de manifester sa solidarité à l’égard de la France et du président Macron », a déclaré, en point de presse, le député bloquiste Stéphane Bergeron.

« Je ne me permettrai pas de faire la psychanalyse du premier ministre et (supposer) les raisons qui ont pu l’amener à se montrer aussi silencieux à l’égard d’un geste comme celui-là, alors qu’il a été très prompt à réagir à d’autres gestes tout aussi répréhensibles qui se sont produits », a-t-il ajouté, prudent.

Quelques heures plus tôt, en réponse à une question de journaliste, Justin Trudeau avait finalement fait une déclaration sur ce drame.

« La décapitation, le meurtre de Samuel Paty est absolument inacceptable et injustifiable. Et nous nous joignons à tout le monde en condamnant cet acte et en restant solidaires avec nos amis et alliés en France », a dit M. Trudeau.

Puis, il a mis en garde contre le danger d’attiser les tensions.

« C’est pour ça que je vais prendre l’opportunité pour parler à des leaders, des leaders mondiaux, des leaders communautaires, des leaders de la communauté musulmane ici au Canada, pour comprendre leurs inquiétudes, leurs préoccupations, pour écouter et pour travailler pour réduire ces tensions », s’est-il empressé d’ajouter.

M. Trudeau n’a pas voulu dire si cette seconde réflexion se voulait une critique d’Emmanuel Macron.

Le plaidoyer du président français lors de l’hommage rendu à M. Paty, plaidoyer qui réclamait le droit à la liberté d’expression, entre autres, a été accueilli par de vives critiques dans certains pays du monde arabo-musulman.

Ainsi, le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en doute la santé mentale de M. Macron et appelé au boycott des produits français. Et il y a eu quelques manifestations contre la France en Tunisie et en Syrie.

À Ottawa, le bureau du ministre des Affaires étrangères a tenu à souligner que le ministre François-Philippe Champagne avait rédigé un gazouillis au lendemain de l’assassinat de l’enseignant, message repris par le compte Twitter du premier ministre.

Toutefois, ni le premier ministre ni le gouvernement canadien n’avaient publié de communiqué officiel.