(Ottawa) L’avocate torontoise Annamie Paul a été élue cheffe du Parti vert du Canada au terme d’une course extrêmement serrée.

Annamie Paul, une femme noire et juive qui a déjà travaillé à la Cour pénale internationale, a défait son principal rival Dimitri Lascaris après huit tours de scrutin, samedi soir.

En prenant la parole après sa victoire dans une galerie d’art d’Ottawa, elle a fait état d’un « moment historique » en tant que descendante d’esclaves.

La mère de deux enfants, âgée de 47 ans, a eu une pensée pour sa propre mère, qui avait quitté les Caraïbes pour s’établir en Amérique du Nord.

« À l’époque, la ségrégation raciale existait toujours dans de nombreux États américains. Elle n’aurait jamais imaginé qu’un jour sa fille dirigerait un parti national », a-t-elle souligné.

Elle s’est présentée comme une alliée des peuples autochtones et a interpellé tous les électeurs désintéressés de la politique parce qu’ils ne s’y sentent pas adéquatement représentés. « Faites de notre parti votre maison », leur a-t-elle lancé.

« À toutes les personnes qui s’inquiètent de l’avenir de leurs enfants et veulent de vraies actions pour contrer la crise climatique, je dis : rejoignez-nous », a-t-elle enchaîné.

« À toutes les personnes qui comprennent qu’on nous conduit sur les mêmes sentiers battus par les mêmes vieux partis et qui sont prêtes à s’engager pour une nouvelle voie, pour un avenir meilleur, je dis : bienvenue. »

Elle a dit s’être lancée en politique après la mort de son père, des suites d’une infection pourtant évitable, en mai dernier. « Que vaut une vie ? a-t-elle demandé. Alors que nous faisons face à des défis sans précédent comme la pandémie et la crise climatique, voici la question que nous devons garder dans nos esprits. »

Face au défi posé par le réchauffement planétaire, les dirigeants politiques sont « à court d’idées originales » et le gouvernement semble « intellectuellement épuisé », a-t-elle avancé.

Près de 35 000 personnes avaient le droit de se prononcer dans le cadre de cette course à la direction, la plus importante de l’histoire de la formation. Huit candidats se faisaient la lutte et près de 24 000 votes ont été enregistrés, rapporte-t-on.

Les verts ont retenu un système de vote préférentiel, qui permettait aux membres de désigner qui hériterait de leur vote si leur premier choix arrivait dernier et était éliminé au tour suivant.

Annamie Paul a récolté 12 090 voix au tout dernier tour. Il lui en fallait au moins 11 939 pour l’emporter.

Courtney Howard, une médecin de Yellowknife, est arrivée en troisième position, loin derrière, suivie de l’ex-ministre ontarien Glen Murray.

La course a connu plusieurs ennuis, dont des disqualifications et une erreur de comptabilité qui ont privé un des aspirants-chefs de milliers de dollars en dons à sa campagne.

Questionnée sur l’unité du parti, Mme Paul a déclaré que ceux qui partagent les valeurs de leur mouvement global « seront toujours les bienvenus ».

Pour faire des verts une force incontournable en politique canadienne, il faudrait selon elle que les électeurs fassent preuve de « juste un petit peu plus de courage, le courage de choisir quelque chose de différent ».

En point de presse, elle a fait part de ses intentions de « passer beaucoup de temps » au Québec, dont elle a caractérisé l’électorat comme « très, très progressiste ».

« Le peuple québécois veut un vrai plan pour la crise climatique, et c’est le Parti vert qui l’offre. Il veut un vrai plan pour tisser et compléter notre filet social, et c’est le Parti vert qui l’offre », a-t-elle fait valoir.

Annamie Paul succède à Elizabeth May, qui a démissionné à la suite des élections fédérales de l’automne dernier, après 13 ans à la tête du parti.

Mme May demeurera influente au sein du parti, car elle compte conserver ses fonctions de leader parlementaire à la Chambre des communes, où elle occupe l’un des trois sièges détenus par les verts.

Avant l’annonce des résultats, samedi soir, Mme May a livré un semblant de discours d’adieu, même si elle a déjà laissé Jo-Ann Roberts assumer la chefferie sur une base intérimaire il y a près d’un an.

La gorge parfois nouée, celle qui est devenue la première députée fédérale du Parti vert en 2011 a condamné l’inaction face aux changements climatiques et la montée du suprémacisme blanc.

« On doit faire l’impossible ou faire face à l’impensable, a-t-elle prévenu. Et actuellement, nous vivons dans des temps impensables ! »

Le Canada a besoin de plus d’élus verts pour mener ces combats, a-t-elle insisté.

Les candidats déçus à la direction du parti ont tous fait part de leur intérêt à briguer un siège aux Communes.

Annamie Paul doit ouvrir le bal, après avoir été investie par acclamation en vue de l’élection partielle prévue le 26 octobre prochain dans la circonscription de Toronto-Centre.