(Québec) Le gouvernement du Québec a les mains sales dans la Crise d’octobre 1970 et lui aussi doit présenter des excuses aux victimes, même que la Protectrice du citoyen devrait établir l’indemnisation des survivants.

C’est le plaidoyer de l’ancien chef péquiste Jean-François Lisée dans son tout dernier livre sur ces pages sanglantes de l’Histoire du Québec, dont on commémore ce mois-ci le 50e anniversaire. L’ouvrage de 300 pages, qui s’intitule « Insurrection appréhendée — le grand mensonge d’Octobre 1970 », paraît lundi.

Et le premier ministre Justin Trudeau lui a même fait écho vendredi : questionné sur d’éventuelles excuses, il a appelé le Québec et la Ville de Montréal à se livrer à des « réflexions ».

Rappelons le contexte : le 16 octobre 1970, la Loi sur les mesures de guerre, qui suspend les droits et libertés, était imposée au Québec par le gouvernement fédéral de Pierre Elliott Trudeau, le père de Justin, à la demande pressante de Robert Bourassa, alors premier ministre du Québec, afin de mater une « insurrection appréhendée » menée par le FLQ (Front de libération du Québec).

Pas moins de 500 personnes soupçonnées d’être des indépendantistes ont été arrêtées ou détenues de façon arbitraire, 37 000 foyers sont perquisitionnés.

Comment la décision a été prise

Il y a un fil conducteur dans l’ouvrage, qui recoupe les témoignages des nombreux décideurs de l’époque : « Comment deux gouvernements démocratiques en Occident ont été les seuls, pendant cette période où le terrorisme et les enlèvements politiques étaient fréquents, à décider de suspendre les droits des citoyens, et non seulement à faire des arrestations massives, mais de les faire la nuit ? » a affirmé M. Lisée en entrevue avec La Presse canadienne vendredi.

Selon lui, la responsabilité du gouvernement libéral de Robert Bourassa est sans équivoque. Oui, c’est Pierre Trudeau qui convainc son conseil des ministres, « en le désinformant », de suspendre les droits et d’autoriser le Québec à envoyer les policiers, a reconnu l’auteur.

« La responsabilité de M. Trudeau est énorme, en inventant un coup d’État qui n’a jamais existé. »

Mais dans l’exécution, « c’est Québec qui dirige tout » : Robert Bourassa donne le droit à tous les corps de police de faire des arrestations et perquisitions, poursuit-il.

Une décision politique

« Les responsabilités de MM. Bourassa et Trudeau sont au moins équivalentes », soutient M. Lisée. Cependant, la faute du gouvernement du Québec a quelque chose d’accablant : l’opération a un dessein politique.

« Il y a une décision politique qui est prise par M. Bourassa de faire un choc psychologique sur l’ensemble de l’opposition au Québec », argue l’auteur. Donc au lieu d’arrêter la vingtaine de suspects que l’équipe d’enquête avait identifiés, on arrête des centaines de personnes en pleine nuit.

M. Lisée appelle le premier ministre François Legault à présenter des excuses au nom du Québec, avec la cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade, à titre de successeure de Robert Bourassa à la tête du Parti libéral du Québec.

« C’est une insulte à la vérité historique que de ne demander des excuses qu’à Ottawa », conclut M. Lisée.

En outre, la Protectrice du citoyen devrait convenir de l’indemnisation des nombreuses victimes. Les trois quarts des personnes arrêtées ou dont le domicile a été perquisitionné n’ont pas reçu d’indemnisation, estime-t-il.

Rappelons que cette semaine, le PLQ a bloqué le dépôt d’une motion à l’Assemblée nationale demandant des excuses officielles au premier ministre Trudeau.