(Ottawa) Le commissaire à l’éthique a rejeté les allégations de conflit d’intérêts soulevées par des députés conservateurs contre la cheffe de cabinet du premier ministre Justin Trudeau et son mari.

Selon une lettre obtenue par La Presse Canadienne, le commissaire Mario Dion a tranché que ces allégations étaient « spéculatives » et ne reposaient pas sur des données factuelles qui démontreraient une violation de la Loi sur les conflits d’intérêts par Katie Telford et son mari.

M. Dion a donc informé les députés conservateurs Pierre Poilievre et Michael Barrett que leur demande d’enquête ne répondait pas aux exigences de la loi. Il a aussi fait part de sa décision à Mme Telford dans une lettre datée du 15 septembre.

Les conservateurs s’appuyaient sur un reportage selon lequel le mari de Mme Telford, Rob Silver, aurait fait pression sur des collaborateurs au cabinet du premier ministre et à celui du ministre des Finances pour modifier les règles de la Subvention salariale d’urgence afin que la société MCAP y soit admissible. M. Silver est depuis janvier vice-président de cette entreprise de financement hypothécaire.

Mme Telford avait mis en place un « écran éthique » pour éviter d’être impliquée dans toute décision liée à MCAP, même si le bureau du commissaire avait conclu que ce ne serait pas nécessaire.

Mais dans leur requête au commissaire Dion, les députés Poilievre et Barrett alléguaient un plan élaboré pour favoriser M. Silver et, par la bande, Mme Telford.

Ils avaient déposé en preuve le graphique d’une « trinité d’intérêts » entre Mme Telford, M. Silver et Mike McNair, un ancien conseiller politique au cabinet du premier ministre, qui avait volontairement repris du service pour prêter main-forte pendant la pandémie. M. McNair est maintenant de retour à temps plein au cabinet du premier ministre.

Une ignorance « inconcevable »

Les députés conservateurs alléguaient que M. Silver avait contacté M. McNair au sujet de changements qu’ils auraient souhaités au programme de Subvention salariale d’urgence. Ils soutenaient que M. McNair lui avait dit de parler à des adjoints du cabinet du ministre des Finances de l’époque, Bill Morneau, avec qui M. Silver avait déjà été en contact.

Les députés conservateurs soutenaient que M. McNair espérait retrouver un emploi à temps plein au cabinet du premier ministre en aidant le mari de Mme Telford.

« Mme Telford semble en fait avoir placé M. McNair dans une situation intenable : s’assurer que les intérêts de M. Silver soient pris en charge ou compromettre ses propres chances d’être réembauché », soutenaient les députés.

Ils trouvaient inconcevable que Mme Telford ait totalement ignoré que son mari faisait « pression sur ses subordonnés » au sujet du programme de subvention salariale. Ils ont donc conclu que la cheffe de cabinet ne s’était pas récusée à la fois de ce dossier et de la décision de réembaucher M. McNair, en violation de la Loi sur les conflits d’intérêts.

Les règles d’admissibilité au programme de subvention salariale n’ont finalement pas été modifiées, mais MM. Poilievre et Barrett ont laissé entendre qu’il s’agissait peut-être d’un leurre. Ils ont suggéré que la société MCAP avait plutôt reçu un contrat de 84 millions de la Société canadienne d’hypothèques et de logement pour administrer le programme d’aide d’urgence pour le loyer commercial. Les députés conservateurs se demandent quel rôle M. McNair aurait pu jouer dans cette décision. La SCHL assure qu’elle a pris cette décision de manière indépendante.

Le cabinet du premier ministre a déclaré mercredi que M. McNair, que les conservateurs avaient également accusé de conflit d’intérêts, a lui aussi reçu une lettre de M. Dion pour lui faire part de sa décision.

Par ailleurs, le bureau de la Commissaire fédérale au lobbying, Nancy Bélanger, a indiqué qu’il procédait à une « évaluation préliminaire » des efforts de M. Silver pour modifier les règles d’admissibilité aux subventions salariales. M. Silver n’est actuellement pas enregistré comme lobbyiste.