(Ottawa) Combien d’arbres a-t-on plantés jusqu’à présent, sur les deux milliards promis d’ici 2030? Le gouvernement de Justin Trudeau a mis plusieurs jours à répondre à la question, mais ce délai ne peut être justifié par la complexité du dénombrement : à ce jour, on en recense zéro.

L’engagement a été annoncé il y a un peu moins d’un an, alors que la campagne électorale battait son plein. « On va planter deux milliards d’arbres au cours des dix prochaines années. Point final », écrivait sur Twitter le premier ministre Justin Trudeau le 27 septembre dernier, le même jour où il rencontrait la jeune militante écologiste Greta Thunberg.

CAPTURE D’ÉCRAN

CAPTURE D’ÉCRAN

Selon ce plan, 200 millions d’arbres auraient dû prendre racine chaque année, soit 547 945 sur une base quotidienne, à partir de septembre 2019. En retirant une année sur le plan décennal, on parle désormais de plus de 222 millions d’arbres par année, donc 608 828 par jour.

Il faudra ainsi accélérer la cadence pour atteindre l’objectif. « Des fonctionnaires préparent actuellement un plan exhaustif pour remplir cet engagement », a expliqué dans un courriel Ian Cameron, attaché de presse du ministre des Ressources naturelles, Seamus O’Regan, qui pilote le dossier.

« Dès que des programmes seront en place, la plantation pourra commencer dans divers endroits partout au Canada, y compris des forêts publiques, des terrains privés, des terres domaniales et des espaces urbains », a-t-il ajouté, notant que « malgré la pandémie », Ottawa poursuivait le dialogue avec les peuples autochtones, les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que l’industrie pour accoucher d’un plan.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Seamus O’Regan, ministre des Ressources naturelles

Le ministre Seamus O’Regan ne s’est pas rendu disponible pour accorder une entrevue à La Presse. En coulisses, on assure néanmoins que la promesse tient toujours, et on plaide que la crise sanitaire « a chamboulé beaucoup de choses » – un argument que balaie d’un revers de main la porte-parole en matière d’environnement du Bloc québécois, Monique Pauzé.

« Ils n’ont pas été capables de se pencher là-dessus et d’avoir quelque chose de prêt ? C’est bizarre, parce que pendant la pandémie, ils ont été capables de prendre des décisions préjudiciables à l’environnement », s’indigne-t-elle au téléphone. Elle cite à titre d’exemples l’exemption des forages extracôtiers des évaluations environnementales au large de Terre-Neuve, de même que l’octroi de deux milliards de dollars au secteur énergétique.

Une occasion ratée

Le député néo-démocrate Alexandre Boulerice n’est guère plus impressionné par la lenteur des libéraux à respecter leur engagement. « C’est extrêmement décevant. Il y a urgence climatique, et le Canada est en train de manquer ses cibles [de réduction des émissions de gaz à effet de serre] pour 2030. Les libéraux n’ont rien fait, alors c’est une promesse brisée pour eux », clame-t-il dans un entretien téléphonique.

Selon lui, les libéraux ne peuvent instrumentaliser la pandémie pour justifier ce délai. En fait, ils auraient pu s’en servir comme tremplin, dit-il.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandre Boulerice, député du NPD

On aurait peut-être pu prendre le 912 millions de dollars qu’on voulait confier à WE Charity [pour le programme de bourses étudiantes avorté] et l’envoyer directement à des étudiants pour leur faire planter des arbres… les jeunes auraient reçu l’argent.

Alexandre Boulerice, député du NPD

Le porte-parole conservateur en matière d’environnement, Dan Albas, adresse aussi des reproches au gouvernement Trudeau. « Ils sont plus portés sur les belles paroles et les nobles objectifs que sur les résultats concrets », regrette-t-il en entrevue sur le chemin du retour vers la Colombie-Britannique.

L’élu souligne que s’il existe de nombreuses pommes de discorde entre son parti et les libéraux en matière d’environnement, celui de la reforestation n’en fait pas partie. C’est la raison pour laquelle il se dit « très déçu » que les libéraux traînent de la patte. « C’était un engagement majeur, et le fait qu’il y ait eu zéro progrès montre la vacuité de leur rhétorique », peste-t-il.

Le gouvernement Trudeau a signalé qu’il comptait accorder à la lutte contre les changements climatiques une place de choix dans son plan « ambitieux » de relance économique, voyant une fenêtre d’opportunité pour mieux rebâtir le pays en le peignant plus vert. Les travaux parlementaires reprennent le 23 septembre avec la présentation du discours du Trône.

La promesse libérale

« Pour mieux protéger les écosystèmes sains qui contribuent à la lutte contre les changements climatiques, nous irons de l’avant avec un plan ambitieux, soit planter deux milliards d’arbres en dix ans. Cette initiative contribuera à créer près de 3500 emplois saisonniers par an. Le financement proviendra de l’enveloppe de 3 milliards de dollars destinée à l’amélioration des efforts de conservation et à la restauration des forêts, des pâturages, des terres agricoles, des milieux humides et des littoraux. »

Source : extrait de la plateforme du Parti libéral du Canada, 2019