(Ottawa) « Fabriqué au Québec. » « Fabriqué au Canada. » Ces mots sont doux à l’oreille du chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, qui appuie l’intention du premier ministre du Québec, François Legault, de redoubler d’efforts afin d’augmenter la production locale dans certains secteurs stratégiques.

M. O’Toole, qui a aussi prôné une politique misant sur l’autosuffisance durant la course au leadership qu’il a finalement remportée il y a une dizaine de jours, compte aborder ce dossier lorsqu’il rencontrera le premier ministre Legault à Montréal le 14 septembre, a-t-il confié dans une entrevue avec La Presse.

Alors qu’Ottawa et les provinces planchent sur les mesures à privilégier afin de relancer l’économie, qui a été durement éprouvée par la pandémie de COVID-19, M. O’Toole compte également discuter de cette question qu’il juge cruciale pour l’avenir économique du pays avec le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford.

« J’ai parlé fréquemment de cela durant la campagne à la direction. Et je trouve que c’est une excellente idée de la part du premier ministre Legault. Je suis d’accord avec lui », a affirmé M. O’Toole.

Il faut avoir plus d’autosuffisance dans quelques secteurs comme l’agriculture, l’agroalimentaire, le secteur manufacturier, les équipements médicaux. Il faut miser sur plus d’autosuffisance et avoir une nouvelle approche en matière de commerce international aussi.

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur

Le chef conservateur a soutenu qu’il avait déjà fait une petite contribution à cet égard, alors qu’il briguait la direction de son parti, en mars, en donnant un coup de main à un groupe d’anciens combattants qui siègent au conseil d’administration d’une entreprise qui se lancera sous peu dans la fabrication de masques de protection individuelle à Barrie, à 65 km au nord de Toronto.

La nouvelle sera confirmée d’ici deux semaines. Il a donc travaillé de près avec des ministres du gouvernement de l’Ontario, et des membres du gouvernement Trudeau, pour que l’entreprise, O2 Canada, obtienne le soutien financier nécessaire pour fabriquer des masques « Made in Ontario et non pas en Chine » — des masques qui sont d’une meilleure qualité que les fameux masques N95. Le prototype de ce masque a d’ailleurs été conçu à Kitchener-Waterloo.

« C’est important, après la pandémie, d’avoir des stratégies comme cela, parce qu’il est possible qu’il y ait une deuxième vague et cela pourrait représenter aussi de nouveaux défis en matière de commerce international. Durant la pandémie, j’ai essayé de faire partie d’Équipe Canada en faisant des propositions à la ministre Chrystia Freeland et [à l’ancien] ministre des Finances Bill Morneau. »

M. O’Toole balaie d’un revers de main l’idée que cela pourrait être perçu comme une forme de protectionnisme. « Je suis favorable au libre-échange avec les pays libres et démocratiques et qui suivent les règles du commerce international. Mais je suis aussi pragmatique. Et on doit avoir des capacités pour les industries stratégiques chez nous. »

« J’ai hâte de rencontrer Legault »

Dans une entrevue accordée à La Presse, lundi, le premier ministre François Legault a expliqué la priorité de la deuxième moitié de son mandat : il veut remplacer « Fait en Chine » par « Fabriqué au Québec » sur les étiquettes d’une kyrielle de produits vendus ici.

M. Legault a affirmé qu’il ambitionnait d’aller plus loin que la promotion de l’achat local et les initiatives comme Le Panier Bleu. Car les Québécois « se sont montrés ouverts à acheter » des produits d’ici depuis le début de la pandémie, et il faut profiter de ce mouvement, selon lui.

J’ai hâte de rencontrer le premier ministre Legault. Je crois qu’il y a de nombreuses occasions de travailler ensemble, notamment sur le dossier « Fabriqué au Québec », la création de richesse, le grand projet au Saguenay de GNL Québec. Le plan de relance est un enjeu important.

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur

Selon lui, le plan de relance économique est d’autant plus important pour s’attaquer au taux de chômage, qui pourrait demeurer élevé à cause des ratés des programmes de soutien mis sur pied par le gouvernement Trudeau.

M. O’Toole estime que le gouvernement fédéral aurait dû mettre en œuvre plus rapidement le programme de subventions salariales pour les entreprises afin de maintenir un lien d’emploi entre les employeurs et les travailleurs. Or, le gouvernement Trudeau a consacré ses premiers efforts à concevoir la Prestation canadienne d’urgence (PCU), laissant en plan les entreprises, dont beaucoup n’auront pas les assises financières assez solides pour survivre à la crise.

« Durant la pandémie, il aurait fallu faire davantage pour sauver les emplois avant de mettre en œuvre la PCU. Ç’a été une erreur durant la pandémie. J’ai proposé quelques idées et quelques politiques en mars et en avril directement à Bill Morneau et à Chrystia Freeland sur les programmes d’urgence. Maintenant, on doit avoir un plan pour la relance économique après la fin de la PCU. C’est ma priorité, et non pas avoir des élections. »

En entrevue, M. O’Toole est revenu sur l’un des thèmes importants de sa campagne au leadership : les relations entre le Canada et la Chine. Le chef conservateur estime qu’il faut durcir le ton envers le régime communiste de Pékin. « On doit avoir une approche sérieuse avec la Chine en faisant preuve de réalisme sur le commerce international, les droits de la personne, la situation à Hong Kong et à Taiwan », a-t-il dit.

Entre autres choses, M O’Toole propose d’imposer des sanctions comme en prévoit la loi Magnitski contre des dirigeants chinois. Cette loi, adoptée par la Chambre des communes en octobre 2017, permet d’imposer un gel des avoirs financiers ou un interdit de séjour aux dirigeants et aux fonctionnaires étrangers qui se sont rendus coupables de graves violations des droits de la personne.

« C’est important d’avoir une approche fondée sur des principes pour contrer les mauvaises actions du gouvernement chinois », a dit M. O’Toole, qui s’oppose aussi farouchement à ce qu’on laisse le géant chinois des télécommunications Huawei participer au déploiement de la technologie 5G sur le territoire canadien.