(Ottawa) Le Canada laisse entendre qu’il est prêt à participer à un effort de médiation pour résoudre le conflit politique qui paralyse la Biélorussie. Le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a échangé au cours des derniers jours tant avec son homologue biélorusse qu’avec la chef de file de l’opposition.

Lors de son échange avec son homologue, Vladimir Makeï, le diplomate en chef du Canada a réitéré mardi « la préoccupation concernant l’élection et les évènements qui ont suivi », a dit à La Presse sa porte-parole, Syrine Khoury, rappelant qu’Ottawa « n’accepte pas » les résultats de la présidentielle et déplore « les violences contre des manifestants pacifiques et la répression de la liberté de la presse ».

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François-Philippe Champagne, ministre des Affaires étrangères du Canada

Le même jour, le ministre Champagne a eu un entretien avec la figure de proue de l’opposition biélorusse, Svetlana Tikhanovskaïa, qui s’est exilée en Lituanie après le scrutin du 10 août dernier. Le président sortant Alexandre Loukachenko, que l’on décrit en Occident comme le « dernier dictateur d’Europe », a revendiqué la victoire avec pas moins de 80 % des votes.

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Svetlana Tikhanovskaïa, figure de proue de l’opposition biélorusse

L’opposante politique a déclaré au quotidien torontois The Globe and Mail qu’elle avait invité Ottawa à participer aux efforts de médiation pour dénouer l’impasse politique, alors que la Russie a laissé entendre dernièrement qu’elle pourrait intervenir pour aider le régime aux commandes de cette ancienne république soviétique.

« Tel qu’exprimé à Mme Tikhanovskaïa, le Canada est prêt à travailler avec ses partenaires internationaux – y compris l’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe] – pour résoudre pacifiquement cette situation et examine activement les options pour soutenir le peuple [de la Biélorussie] et assurer le respect des droits de la personne », a-t-on indiqué au bureau de François-Philippe Champagne.

Lors de son entretien avec le Globe and Mail, publié mercredi, la politicienne novice de 37 ans n’est pas allée jusqu’à demander que l’on frappe le régime Loukachenko de sanctions. Elle a toutefois fait valoir que si le Canada était d’avis que d’autres actions s’imposaient et qu’il « serait approprié » d’afficher son soutien, « évidemment que nous apprécierions toute forme d’aide ».

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Manifestation étudiante à Minsk, en Biélorussie, mardi, visant à dénoncer les résultats de l’élection présidentielle

La Biélorussie est plongée dans une profonde crise politique depuis la réélection de celui qui dirige le pays de l’ex-URSS d’une main de fer depuis 26 ans, Alexandre Loukachenko. De nombreuses manifestations, souvent violentes, ont eu lieu au pays depuis le scrutin, notamment à Minsk, capitale biélorusse.

Le ministre Champagne n’était pas disponible pour une entrevue, mercredi.

L’impact du Canada

Ancien numéro deux à l’ambassade du Canada à Moscou, dans les années 90, Ferry de Kerckhove juge, en entrevue avec La Presse, que le Canada fait bien de lever la main pour aider, mais pense qu’ultimement, il ne pèsera pas lourd dans la balance, ses liens avec la Russie étant précaires.

Nous ne sommes pas un acteur, parce que nous n’avons pas de relations avec la Russie. Mais je suis certain que si nous nous associions avec les Européens, nous pourrions effectivement jouer un rôle.

Ferry de Kerckhove, ancien numéro deux à l’ambassade du Canada à Moscou

Mais « la vraie question, ce n’est pas du tout ce que nous pouvons faire. C’est ce que [le président de la Russie] Vladimir Poutine va faire, parce que les Biélorusses sont, en général, très prorusses », poursuit Ferry de Kerckhove.

L’ancien ministre conservateur Chris Alexander ne s’étonne pas de l’appel lancé par Svetlana Tikhanovskaïa, « parce qu’elle est probablement très consciente du rôle de taille joué par le Canada en Ukraine » dans le cadre de la révolution du Maïdan, en 2014.

À son avis, il ne faut pas « prétendre que le dialogue entre Minsk et les autres pays doit passer par Moscou, car Moscou n’a aucun rôle à jouer là-dedans ». Ottawa pourrait d’ailleurs envisager l’imposition de sanctions en vertu de sa loi Magnitski, avance l’ancien diplomate qui a été en poste en Russie dans les années 90.

« Un régime de sanctions ne fonctionnera cependant que si on a un front commun de tous les pays qui ont une économie de premier plan », nuance Chris Alexander en parlant de cette mesure qui permet d’imposer un gel des avoirs financiers à des dirigeants ou fonctionnaires liés à des violations des droits de la personne.