(Ottawa) Le ministre canadien des Affaires étrangères quitte le Liban après avoir livré ce qui, à son avis, était un message clair au président Michel Aoun, jeudi.

« Mes messages clés pour lui étaient que l’aide doit s’accompagner de réformes importantes, de réformes systémiques dans le pays et que l’impunité doit cesser », a rapporté le ministre François-Philippe Champagne au cours d’une conférence téléphonique avec des journalistes canadiens.

En bon diplomate, le ministre Champagne n’a pas relaté la réaction de son interlocuteur.

L’écoute du général Aoun a été « très attentive », a-t-on pu savoir de source gouvernementale canadienne. « Le président Aoun est conscient […] qu’il a besoin de la communauté internationale pour au moins pallier aux besoins immédiats », a fait remarquer cette source.

Le ministre Champagne a promis, dans une série d’entrevues avant de partir vers le Liban, de concentrer ses contacts à Beyrouth sur la société civile. Jeudi, il a tenté de justifier sa décision de rencontrer le président dont la rue libanaise réclame à grands cris le départ.

« Lorsqu’un ministre des Affaires étrangères se déplace dans un pays, il fallait au moins rencontrer un des membres de l’autorité en place maintenant », a-t-il fait valoir.

« C’était important pour lui de m’entendre lui porter le message de la diaspora libanaise au Canada. […] Le message était très clair que l’aide doit s’accompagner de réformes », a-t-il ajouté. Cette diaspora compte quelque 200 000 personnes, dont la majorité vit au Québec.

Le Canada veut donc discuter d’aide à la reconstruction au Liban, d’accès à l’électricité, à l’eau. Mais encore là, le ministre Champagne assure que ses interlocuteurs ne seront pas les politiciens libanais.

« Nous on est là en appui au peuple libanais, on est là pour accompagner le peuple libanais dans les mesures d’urgence présentement, dans la réforme des institutions et aussi dans la reconstruction », a-t-il insisté, soulignant ses rencontres à Beyrouth avec les dirigeants de la Croix-Rouge libanaise.

« C’est à eux que j’ai offert mon appui », a-t-il insisté.

« Ce que j’ai dit aux autorités [politiques], c’est d’écouter leur peuple. Il veut du changement. Il mérite du changement », a-t-il dit.

Pour ce qui est de ce qu’il a vu sur place, dans cette ville où, le 4 août, des explosions ont fait au moins 181 morts et 6500 blessés, le ministre Champagne a parlé d’une expérience « surréaliste ».

« L’étendue de la dévastation est difficile à comprendre », a-t-il dit à propos des ruines qui ont laissé plus de 300 000 Libanais sans logis.

François-Philippe Champagne a documenté sa visite en terre libanaise sur son compte Twitter.

Sur ce fil, il a réitéré l’intention de son gouvernement d’offrir de l’aide à la population libanaise, « résiliente ». « On sera là à leurs côtés », a-t-il promis dans une courte vidéo tournée dans le sinistre décor du port détruit.

Les Libanais, par milliers, sont descendus dans les rues de la capitale depuis la destruction du port et d’une partie de la ville pour réclamer le départ de toute la classe dirigeante politique du pays, comme ils l’avaient déjà fait l’automne dernier.

Si ces manifestations ont conduit à la démission du gouvernement libanais, le président Aoun est toujours au poste.

L’aide canadienne

Ottawa a annoncé 30 millions d’aide au lendemain des explosions dans le port de Beyrouth. Cet argent devait aller à la Croix-Rouge et d’autres groupes humanitaires.

La Coalition humanitaire a annoncé jeudi matin qu’elle avait récolté 8 millions en dons de citoyens canadiens, somme qu’Ottawa s’est engagé à doubler.