(Québec) Le premier ministre François Legault s’en est pris une fois de plus jeudi au journaliste du quotidien The Montreal Gazette Aaron Derfel.

En commission parlementaire, le premier ministre a accusé le journaliste de partialité, jugeant que ses articles avaient pour but de discréditer son gouvernement systématiquement.

Pour faire sa troisième sortie contre le reporter de la Gazette en autant de mois, M. Legault a choisi l’étude des crédits budgétaires 2020-2021 consacrés à la communauté anglophone.

« Inacceptable », a réagi le porte-parole de l’opposition officielle sur les relations avec les citoyens d’expression anglaise, le député Gregory Kelley, qui a jugé son attitude intimidante.

Selon lui, le premier ministre s’est livré jeudi à une attaque à la liberté de la presse, et il s’interroge à savoir s’il n’est pas plus facile pour lui de s’en prendre à un journaliste anglophone. Chose certaine, ce n’est pas correct, a-t-il fait valoir en entrevue téléphonique, « de cibler un journaliste » en particulier.

Le député de Jacques-Cartier soutient que les sorties à répétition de M. Legault contre M. Derfel sont mal reçues par une partie de la communauté anglophone, qui soupçonne le premier ministre d’agir de la sorte parce qu’elle ne vote pas pour son parti.

Aaron Derfel est un journaliste qui se spécialise depuis une vingtaine d’années sur les questions de santé. C’est lui qui, le premier, avait publié dans le quotidien anglophone un reportage-choc sur la situation catastrophique à la résidence pour personnes âgées Herron, à Dorval, au printemps, un établissement qui a dû être mis sous tutelle.

Règle générale, si les textes publiés par The Montreal Gazette sont « objectifs » et « bien faits », a convenu M. Legault, il en va autrement des reportages et gazouillis de M. Derfel, très présent sur les réseaux sociaux.

« Je vous invite à aller voir les tweets de M. Derfel des six derniers mois », a-t-il dit, estimant que « même les gens de l’opposition vont trouver que ça penche pas mal toujours du côté que tout ce que fait le gouvernement n’est pas bon ».

En disant d’entrée de jeu qu’il voulait se montrer « prudent » dans ses commentaires sur M. Derfel, il a calculé « au moins 10 articles différents où M. Derfel m’accusait d’avoir menti directement ou indirectement ».

En juin, il avait bloqué le compte Twitter de ce dernier, en utilisant les guillemets pour le qualifier de « journaliste ». Puis, devant le tollé, il avait reculé.

L’attitude de M. Legault envers Aaron Derfel fait dire à M. Kelly qu’il ne faudrait pas importer au Québec les relations tendues entre le président américain Donald Trump et les médias.

Durant l’étude des crédits, tenue au Salon rouge de l’Assemblée nationale, M. Legault a fait référence à un sondage Léger publié en mai indiquant que les anglophones (68 %) craignaient davantage que les francophones (47 %) de contracter le coronavirus.

Le premier ministre a laissé entendre que les articles de M. Derfel, qui sont « très lus », n’étaient peut-être pas étrangers à cette situation, ce qu’il avait déjà dit en point de presse en mai.

Jeudi, il a ajouté que les anglophones écoutaient davantage CNN et d’autres médias américains très critiques envers l’administration Trump, ce qui peut expliquer l’inquiétude plus grande des anglophones québécois relativement à la pandémie.