(Ottawa) Le commissaire fédéral à l’éthique élargit son enquête sur les liens entre le ministre des Finances Bill Morneau et l’organisme de bienfaisance WE Charity.

Le commissaire Mario Dion a déjà lancé une enquête sur le premier ministre Justin Trudeau et sur le ministre Morneau pour une possible violation de la Loi sur les conflits d’intérêts, parce que les deux élus ne se sont pas récusés lors des discussions du cabinet sur le contrat attribué à WE Charity (UNIS en français) pour administrer un vaste programme de bourses aux étudiants bénévoles. Les deux hommes se sont depuis excusés de ne pas l’avoir fait.

Le cas de M. Morneau s’est aggravé la semaine dernière lorsqu’il a révélé avoir remboursé 41 000 $ à l’organisme pour des voyages effectués il y a trois ans avec sa famille afin de prendre connaissance des projets d’UNIS au Kenya et en Équateur.

La loi interdit aux ministres, ou aux membres de leur famille, d’accepter les voyages gratuits, pour éviter toute apparence de trafic d’influence.

Le commissaire à l’éthique a écrit mercredi aux conservateurs et aux néo-démocrates qui réclamaient une enquête élargie sur cette affaire. Il a déclaré qu’il tenterait de déterminer si M. Morneau a transgressé cette règle et s’il a également omis de « dévoiler ces cadeaux ».

Plus tôt mercredi, les conservateurs avaient réclamé que M. Dion élargisse son enquête sur Justin Trudeau, à la veille de la comparution du premier ministre devant le Comité des finances de la Chambre des communes.

Le témoignage des cofondateurs d’UNIS devant ce même comité, mardi, a permis d’apprendre que l’organisme de bienfaisance avait versé en tout plus de 500 000 $ en cachets et autres indemnités journalières à la mère de M. Trudeau, à sa femme et à son frère.

En conférence de presse mercredi, les conservateurs ont soutenu que ces nouvelles informations nécessitaient une enquête supplémentaire du commissaire Dion, pour déterminer si ces paiements enfreignaient les règles sur les conflits d’intérêts des élus.

La Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant est destinée aux étudiants et aux diplômés qui n’auraient pu se trouver du travail cet été à cause de la pandémie. Le programme consiste à verser 1000 $ aux étudiants et diplômés admissibles pour chaque tranche de 100 heures de bénévolat effectué, jusqu’à concurrence de 5000 $. Le gouvernement ne l’a pas encore déployé près d’un mois après le retrait d’UNIS, en pleine controverse.

« La vérité ! »

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Pierre Poilievre

« Nous voulons la vérité, toute la vérité et rien que la vérité », a martelé mercredi à Ottawa le porte-parole conservateur en matière de finances, Pierre Poilievre. Il a prévenu que l’opposition chercherait à questionner davantage M. Trudeau à l’automne s’il ne fournissait pas de réponses détaillées.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a déclaré de son côté qu’il voulait que M. Trudeau explique pourquoi les libéraux avaient choisi de confier le programme à l’organisme de bienfaisance alors qu’il existait d’autres moyens, potentiellement plus faciles, d’aider les étudiants en difficulté financière — par exemple une hausse des bourses aux étudiants ou des budgets dans le programme Emplois d’été Canada.

« Il n’a jamais été question d’aider les étudiants », a soutenu M. Singh mercredi à Burnaby, en Colombie-Britannique. « Il s’agissait en fait d’aider les petits amis du gouvernement libéral et du premier ministre Trudeau — et c’est profondément troublant. »

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a semblé quant à lui reculer sur son intention de déposer une motion de censure dès cet automne.

« On ne souhaite pas la chute immédiate du gouvernement, a-t-il dit. On souhaite d’abord sortir de la crise COVID-19. »

«Maintenant, si les personnes qui administrent la crise (sanitaire) au gouvernement fédéral — au premier chef le premier ministre et le ministre des Finances — sont incapables de le faire, il faut considérer leur remplacement, de gré ou de force. »

Le comité d’éthique de la Chambre des communes enquête lui aussi sur cette affaire, sous l’angle « des mesures en place pour prévenir les conflits d’intérêts dans les politiques de dépenses du gouvernement fédéral ». Les députés de l’opposition, qui sont plus nombreux que les libéraux au sein de ce comité, ont également utilisé leur majorité pour demander à M. Trudeau de venir témoigner.

Par ailleurs, les conservateurs ont proposé mercredi de demander à tous les ministres si l’un de leurs proches avait des liens avec UNIS, mais cette proposition a été défaite aux voix. Charlie Angus, le député néo-démocrate au sein de ce comité, a mis en garde contre toute enquête contre des députés ou des ministres en l’absence d’une raison précise : « Les parties de pêche, à mon avis, ne relèvent pas du comité. »