(Ottawa) Le ministre des Finances Bill Morneau a ajouté une couche de plus au scandale UNIS (WE Charity) en annonçant avoir envoyé aujourd’hui un chèque d’une valeur de 41 366 $ pour des dépenses encourues lors de deux voyages organisés par l’organisation.

Ces dépenses avaient été épongées par l’organisme de bienfaisance dans le cadre de voyages de Bill Morneau et de membres de sa famille au Kenya et en Équateur, a-t-il exposé dans sa déclaration d’ouverture devant le comité des finances, où il comparaissait mercredi pour répondre aux questions des députés qui se penchent sur les détails entourant l’affaire UNIS.

« C’était une dépense dont je n’étais pas au courant », a-t-il argué en répondant aux questions du député conservateur Pierre Poilievre, qui a sursauté en apprenant que le grand argentier avait sorti son chéquier la journée même de son témoignage en comité. « Vous ne le saviez pas ? », a lancé l’élu, ironisant sur cette « épiphanie » du ministre des Finances.

Ce dernier a expliqué avoir sorti son chéquier à l’issue d’un examen de ses dépenses effectué ces derniers jours, lequel lui a permis de constater qu’il n’avait déboursé une partie des frais. « J’ai été totalement surpris », a-t-il assuré, ajoutant par ailleurs que sa famille avait fait deux dons de 50 000 $ à Mouvement UNIS, l’un en avril 2018, et un autre plus récemment, en juin 2020.

« C’était une erreur », s’est repenti à maintes reprises Bill Morneau. Il a juré qu’il avait toujours été dans l’intention de sa famille de défrayer les coûts liés à ces voyages. D’ailleurs, il a expliqué au comité qu’il avait payé quelque 52 000 $ pour les billets d’avion et les frais d’hébergement de ces voyages en Afrique et en Amérique du Sud remontant en 2017, alors qu’il était en poste comme ministre des Finances.

Le député néo-démocrate Charlie Angus a remis en question le sens de l’éthique du témoin, tout en y allant d’un parallèle entre ses voyages et celui de Justin Trudeau sur l’île privée de l’Aga Khan, qui avait en outre valu au premier ministre un sévère blâme du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique en décembre 2017.

Les deux filles du grand argentier ont des liens avec UNIS. L’une d’elles, Clare, a prononcé trois discours lors de trois événements, sans toutefois être rémunérée, tandis que l’autre, Grace Acan, est employée contractuelle au sein de l’organisme de bienfaisance.

Le ministre Morneau a de nouveau présenté ses excuses de ne pas s’être récusé des discussions sur l’octroi de ce contrat consistant à administrer un programme de bourses de bénévolat étudiant d’une valeur de 912 millions de dollars, qui aurait pu permettre à UNIS d’empocher jusqu’à 43,5 millions de dollars.

L’entente a finalement été annulée en raison de la controverse.

Aux yeux du député conservateur Pierre Poilievre, la bombe lâchée mercredi démontre que Bill Morneau a « perdu l’autorité morale » de demeurer en poste. « Allez-vous démissionner ? », s’est-il enquis auprès du témoin.

UNIS nie avoir partagé des informations avec le PLC

Avant que Bill Morneau ne s’exprime, la recherchiste et auteure Vivian Krause, également collaboratrice occasionnelle au National Post, a affirmé aux députés qu’elle soupçonnait UNIS d’avoir partagé des données personnelles avec des entreprises ainsi qu’avec le Parti libéral du Canada (PLC).

Elle a cependant concédé qu’elle ne disposait pas de preuves pour appuyer ses dires.

L’organisme de bienfaisance a catégoriquement nié. « Non. Ceci est totalement incorrect. Nous n’avons jamais partagé d’informations personnelles avec le Parti libéral du Canada ou avec n’importe quel autre parti politique, de quelque manière que ce soit », a-t-on écrit dans un courriel envoyé à La Presse.

Même démenti au PLC.

« C’est faux. Le Parti libéral du Canada n’a pas reçu de données de ce type et respecte intégralement les règlements d’Élections Canada liés à la mobilisation politique, et ce en plus de respecter sa propre politique rigoureuse de protection des renseignements personnels », a déclaré Braden Caley, directeur des communications de la formation.

Les libéraux malmenés en Chambre

Pour une deuxième journée consécutive, les partis d’opposition ont cuisiné les libéraux sur l’affaire UNIS pendant la période des questions à la Chambre des communes.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a persisté à réclamer de Justin Trudeau qu’il cède les rênes de l’État à sa vice-première ministre, Chrystia Freeland, estimant que le premier ministre n’a pas « l’espace mental » requis pour gérer à la fois cette controverse et la crise de la COVID-19.

« Je ne voudrais pas que le député fasse des jugements sur l’espace mental dont je dispose », lui a répondu son interlocuteur, piqué au vif.