(Ottawa) La ministre fédérale de la Jeunesse affirme qu’elle n’a pas été mandatée par le cabinet du premier ministre afin de conclure une entente avec l’organisme UNIS pour la gestion du programme de bourses de bénévolat pour les étudiants — une entente qui a depuis avorté et s’est embourbée dans des considérations éthiques.

Bardish Chagger a déclaré jeudi au Comité des finances de la Chambre des communes qu’elle n’avait pas eu personnellement de conversations avec des membres du cabinet de Justin Trudeau ou du ministre des Finances, Bill Morneau, avant que l’entente ne soit approuvée par les ministres.

Selon elle, c’est un haut fonctionnaire du ministère de l’Emploi et du Développement social qui a soutenu, par écrit, que l’organisme sans but lucratif UNIS (« WE Charity », en anglais) était la seule organisation au pays qui pouvait distribuer les bourses d’études totalisant 912 millions.

UNIS aurait pu recevoir jusqu’à 43,53 millions de ce contrat sans appel d’offres pour administrer le programme, s’il avait pu remettre jusqu’à 40 000 bourses d’études, le double des 20 000 initialement prévues dans le programme, a indiqué la ministre.

Mme Chagger a toutefois été moins claire sur d’autres aspects du dossier, notamment le nombre de postes que le programme était censé créer pour les étudiants, ou qui, au sein de son cabinet, avait parlé du contrat à fournisseur unique avec des membres de la garde rapprochée du premier ministre.

Mme Chagger et des hauts fonctionnaires sont les premiers témoins à comparaître devant ce comité des Communes ; il s’agit de la première enquête parlementaire sur la façon dont UNIS a été sélectionné pour administrer la nouvelle Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant.

La chronologie des évènements telle que présentée au Comité permanent des finances commence à la mi-avril lorsque UNIS envoie une proposition non sollicitée pour un programme destiné à la jeunesse à Mme Chagger et la ministre de la Petite Entreprise Mary Ng.

Divers responsables fédéraux discutaient déjà des mesures à adopter pour aider les étudiants qui ne pourront pas trouver d’emploi d’été à cause de la COVID-19. Ils avaient l’intention de lancer à la mi-mai un programme.

C’est dans ce contexte que des fonctionnaires du ministère des Finances ont mentionné UNIS lors de conversations avec leurs homologues d’Emploi et Développement social Canada, qui supervisent les programmes liés aux étudiants.

Rachel Wernick, une haute fonctionnaire d’EDSC, a raconté qu’elle avait proposé d’appeler l’organisme afin d’explorer les options possibles en raison des collaborations antérieures d’UNIS avec le ministère.

Elle a dit avoir appelé un des co-fondateurs d’UNIS, Craig Kielburger le 19 avril, date à laquelle elle a eu connaissance de la proposition originale.

Trois jours plus tard, le 22 avril, M. Trudeau a annoncé une aide de 9 milliards pour les étudiants et les diplômés touchés par la COVID-19.

Mme Wernick a relaté que M. Kielburger lui avait envoyé par courriel une proposition mise à jour fondée sur l’annonce du premier ministre. Or dans une conversation vidéo enregistrée le 12 juin, dont une copie a été obtenue par La Presse canadienne, un autre co-fondateur d’UNIS Marc Kielburger dit n’avoir été mis au courant par le cabinet du premier ministre que le 23 avril.

Dans un communiqué publié le mois dernier, Marc Kielburger disait avoir été mis en contact pendant la semaine du 26 avril avec une responsable d’ESSC, et non avec le cabinet.

Plongé dans la controverse, l’organisme a finalement renoncé au contrat il y a deux semaines. Les fonctionnaires ont pris le relais, mais ont du mal à contrôler les détails du programme, alors que l’été avance.

La Bourse vise à aider les étudiants qui ne trouvent pas de travail d’été à cause de la COVID-19 et qui souhaitent faire du bénévolat. Le programme offre jusqu’à 5000 $ pour payer les droits de scolarité, en échange de 500 heures de bénévolat.

Le commissaire fédéral à l’éthique a par ailleurs annoncé jeudi qu’il intégrera M. Morneau dans son enquête sur le rôle du premier ministre dans cette affaire. M. Trudeau, son frère et sa mère ont tous des liens avec l’organisme UNIS, cofondé par les frères Craig et Marc Kielburger. L’une des filles de M. Morneau est une employée de l’organisme.

M. Trudeau a admis la semaine dernière qu’il aurait dû se retirer de la discussion sur l’attribution du contrat, étant donné les liens de sa famille avec UNIS.

Le porte-parole conservateur en matière d’éthique, Michael Barrett, estime qu’il faudrait une enquête criminelle sur l’attribution du contrat, malgré l’élargissement de l’enquête du commissaire à l’éthique.

La durée moyenne d’une enquête du commissaire à l’éthique est de sept mois.