(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau n’est pas le seul dont la famille a des liens avec WE Charity : les deux filles de son ministre des Finances, Bill Morneau, ont œuvré pour l’organisme de bienfaisance qui avait décroché la gestion d’un programme de bourses de 900 millions.

L’une d’entre elles, Clare, s’est exprimée lors d’un grand rassemblement s’étant tenu à Ottawa le 9 novembre 2016, mais n’a pas été rémunérée pour le faire, tandis que l’autre, Grace Acan, travaille présentement sous contrat pour l’organisme WE Charity (Mouvement UNIS, en français), selon des informations qui ont été publiées en premier par le site web Canadaland.

« Clare a pris la parole lors d’événements de UNIS, ainsi que de nombreux autres événements publics, dans le contexte de la sortie de son livre sur des jeunes réfugiées. Elle n’a jamais été rémunérée pour ce travail. 100 % des profits du livre sont versés à une bourse d’études pour les réfugiés de Kakuma à l’Université de Toronto », a indiqué Maéva Proteau, attachée de presse du ministre des Finances.

Quant à son autre fille, Grace Acan, originaire de l’Ouganda, qui s’est ensuite jointe à la famille Morneau en 2010, « elle est employée contractuelle d’UNIS dans un rôle administratif dans le département des voyages depuis 2019, à la suite de son stage dans le cadre de sa formation de premier cycle en développement communautaire. Elle a obtenu ce poste grâce ses propres mérites. Il n’y a absolument aucun lien entre son emploi et tout travail entre UNIS et le gouvernement du Canada », a ajouté la porte-parole.

Le grand argentier ne s’est pas récusé des discussions sur l’octroi du contrat sans appel d’offres, qui aurait rapporté 19,5 millions à l’organisme, qui a été avalisé par le cabinet. Le premier ministre Justin Trudeau ne s’est pas non plus retiré du dossier, bien que sa mère Margaret, son frère Alexandre et sa femme Sophie ont tous touché des cachets totalisant près de 300 000 $ pour leur participation à des événements de Mouvement UNIS.

L’organisme caritatif avait pourtant assuré en entrevue avec CBC News le 26 juillet dernier qu’il n’avait « jamais payé d’honoraires à ces personnes pour leur implication », en faisant référence au premier ministre, à sa femme et à sa mère.

Des propos qu’avait aussi formulés Justin Trudeau lors d’une conférence de presse, le même jour. « J’ai participé à des événements avec eux, bénévolement, évidemment, et j’ai fait cela avec beaucoup d’entreprises et d’organisations à travers le pays en qui je crois, que je pense que nous devrions appuyer. Et je vais continuer à le faire. Tout comme ma famille », disait-il.

Le premier ministre n’a pour sa part jamais été payé par Mouvement UNIS, a-t-on signalé jeudi tant à son bureau que du côté de l’organisme.

Mouvement UNIS a été fondé par les frères Craig et Marc Kielburger il y a bientôt 25 ans, alors qu’ils étaient encore adolescents. L’organisation remplit des stades et des arénas en attirant dans son giron des vedettes comme Oprah Winfrey, prince Harry et Meghan Markle ou encore Whoopi Goldberg.

Les conservateurs veulent l’intervention de la police

Avant même que la proximité des liens avec le premier ministre ne se clarifie encore davantage, l’opposition à Ottawa ruait dans les brancards. Les conservateurs et les néo-démocrates ont notamment réclamé une enquête du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, requête qui a été accueillie favorablement par le bureau de Mario Dion.

Dans le camp du Bloc québécois, le chef Yves-François Blanchet a exhorté Justin Trudeau à céder les rênes de l’État à la vice-première ministre Chrystia Freeland, le temps que cette investigation soit bouclée. Chez les conservateurs, on a demandé à l’agent indépendant du Parlement de mener son enquête à toute vitesse afin de faire la lumière sur cette affaire.

Sur Twitter, vendredi, le Commissariat a signalé que cela « prend en moyenne environ sept mois pour achever une enquête ». Il s’agit de la troisième dont le premier ministre fait l’objet, après celle sur ses vacances sur l’île de l’Aga Khan et celle sur le dossier SNC-Lavalin. Dans les deux cas, la commissaire a conclu qu’il avait contrevenu à des règles éthiques.

Les conservateurs ont ajouté une pierre à l’édifice en réclamant l’ouverture d’une enquête criminelle. « Il est clair qu’une enquête criminelle est justifiée. C’est pourquoi les conservateurs vont écrire à la GRC pour l’encourager à suivre cette affaire », a déclaré le porte-parole de la formation en matière d’éthique, Michael Barrett.

« Tous les ministres du Cabinet doivent expliquer le rôle qu’ils ont joué dans l’approbation de cet important contrat. Est-ce qu’ils savaient que la famille du premier ministre avait des liens financiers avec WE Charity ? Est-ce qu’ils auraient changé d’avis sur l’octroi d’un contrat à fournisseur unique à cet organisme ? Est-ce que les ministres ou des membres de leur famille ont des liens financiers avec WE Charity ? Les Canadiens méritent des réponses », a-t-il fait valoir.

L’organisme s’est retiré du projet « à contrecœur » il y a une semaine, vu la controverse.