(Ottawa) Le seul député québécois du Nouveau Parti démocratique ne va pas aussi loin que son chef Jagmeet Singh, qui a déclaré que quiconque ne reconnaît pas le racisme systémique est « raciste ».

En entrevue avec La Presse canadienne, le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice, n’a pas voulu faire sienne cette accusation de M. Singh qui pourrait s’appliquer à de nombreux Québécois, le premier ministre François Legault en tête.

« Moi, je ne le dirais pas. Je dirais qu’il y a beaucoup d’éducation à faire avec le concept de racisme systémique et puis je crois qu’on doit avoir une discussion qui est franche et honnête là-dessus et ne pas se mettre la tête dans le sable. Et surtout, éviter de dire que parce qu’on reconnaît le racisme systémique, ça veut dire qu’on accuse tous les Québécois d’être racistes », a dit M. Boulerice.

Or, c’est précisément l’équation qu’a faite M. Singh, le 17 juin dernier, quelques heures après avoir été expulsé de la Chambre des communes pour avoir traité le bloquiste Alain Therrien de « raciste ». Lors d’un point de presse après coup, le chef néo-démocrate, visiblement émotif, a déclaré que quiconque ne reconnaît pas le racisme systémique méritait cette étiquette.

M. Boulerice n’endosse pas complètement l’interprétation de son chef, mais dit qu’il la comprend étant donné le l’histoire personnelle de M. Singh.

« Je suis un homme blanc qui est privilégié dans la société. Je n’ai pas eu à subir (du racisme). Donc je ne jette pas la pierre à Jagmeet s’il fait cette équation-là parce que je pense que pour lui, c’est quelque chose qui vient chercher des souvenirs, des blessures et c’est quelque chose pour lui qui n’est pas négociable. […] Donc, évidemment, je vais avoir une réaction qui n’est pas nécessairement identique à la sienne, puis c’est correct. Il le sait », affirme M. Boulerice.

M. Singh n’aura finalement pas à s’excuser à M. Therrien, comme le réclame le Bloc québécois. Heather Bradley, directrice des communications du bureau du président de la Chambre des communes, a indiqué que le chef du NPD pourra regagner son siège comme prévu lors de la prochaine séance régulière aux Communes, le 8 juillet, en vertu des procédures parlementaires.

Cette décision, dévoilée par Radio-Canada, a relancé les échanges déjà tendus entre bloquistes et néo-démocrates sur les réseaux sociaux. Mercredi, jour de la fête du Canada, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a accusé M. Singh d’avoir « agressé un député dans une mise en scène orchestrée » appuyée ni plus ni moins par Justin Trudeau.

À la sortie d’une rencontre avec le premier ministre Legault, jeudi, M. Blanchet a poursuivi dans la même veine.

« Est-ce que le chef du NPD n’en est pas rendu à se regarder dans le miroir sérieusement et savoir s’il n’a pas créé une crise sociale grave, une division grave entre des gens qui […] devront rester des amis, et pour l’instant, transigent la haine et les accusations non fondées à cause de lui, et de lui seul, et de lui personnellement ? » a accusé le chef bloquiste.

M. Blanchet a ensuite refusé de prendre plus d’une question sur le sujet, comme il l’a fait lors de ses conférences de presse précédentes.

Selon M. Boulerice, l’insulte lancée par M. Singh à M. Therrien ne fait pas partie d’un plan machiavélique.

« Je peux vous assurer que ce n’était pas du tout planifié, il n’y avait rien d’organisé là-dedans, ça a été une réaction spontanée, très émotive de la part du chef du NPD, que je comprends totalement pourquoi il l’a eue, d’ailleurs, parce que la décision du Bloc était incompréhensible », accuse le député néo-démocrate.

Le Bloc avait refusé d’appuyer une motion qui reconnaît le racisme systémique au sein de la Gendarmerie royale du Canada envers les Autochtones, entre autres, sous prétexte qu’un comité parlementaire allait déjà se pencher sur le sujet. M. Blanchet a ensuite refusé de dire si son parti allait se ranger du côté des conclusions du comité en question.

Avec l’enflure verbale des derniers jours, M. Boulerice pense que « ça sent la panique du côté de M. Blanchet et de ses troupes ».

« Il y a un malaise au sein du Bloc parce qu’ils jouent un peu sur les deux tableaux. Ils savent qu’il y a une partie de leur électorat qui est très sensible aux arguments un peu xénophobes, un peu sur le nationalisme identitaire, sur le populisme conservateur, donc M. Blanchet est coincé un peu. Certaines journées, il va être plus progressiste et politiquement correct et d’autres journées, il laisse la porte ouverte parce qu’il sent qu’il ne peut pas plaire à une partie ou l’autre de son électorat », dit-il.