(Ottawa) Justin Trudeau a eu un silence lourd de sens quand on lui a demandé de commenter les agissements de Donald Trump, qui a menacé de déployer l’armée pour mater le mouvement de protestation antiraciste qui secoue les États-Unis, mardi.

Le premier ministre a pris une longue pause devant sa résidence de Rideau Cottage, mardi, lorsqu’un journaliste lui a demandé quel message envoyait son refus de commenter directement la façon dont le locataire de la Maison-Blanche gère les manifestations souvent violentes qui font rage dans plusieurs villes des États-Unis.

« Nous regardons tous avec horreur et consternation ce qui se déroule aux États-Unis. C'est un moment pour rassembler les gens, mais c'est aussi un moment pour écouter. C'est un moment pour apprendre quelles injustices persistent, en dépit des progrès qui ont été réalisés au cours des dernières années et décennies », a-t-il finalement laissé tomber après un lourd silence d'une vingtaine de secondes.

Comme il l'avait fait la veille, Justin Trudeau a débuté son allocution en évoquant la crise. Il a plaidé que cette situation était le « résultat de systèmes qui beaucoup trop souvent tolèrent, normalisent et perpétuent l’injustice et l’inégalité à l’endroit des personnes de couleur ».

Cela est vrai « non seulement l’autre côté de la frontière, mais ici, chez nous, dans nos communautés, dans notre pays », a argué Justin Trudeau. « Ça doit cesser. Et les gens qui n’ont jamais subi le racisme ou la discrimination ont un rôle très important à jouer dans tout ça », a-t-il enchaîné dans sa déclaration à Rideau Cottage, mardi.

Un nouveau chapitre de tensions raciales s’est ouvert aux États-Unis dans la foulée de la mort de George Floyd, un homme noir qu'un policier blanc a été accusé d'avoir asphyxié en écrasant son genou sur le cou de M. Floyd lors de son arrestation à Minneapolis.

L'indignation s'est répandue comme une traînée de poudre, et les manifestations ont donné lieu à des arrestations de journalistes, ces « ennemis du peuple » que fustige régulièrement le président Trump, qui semblent pris pour cibles par les forces de l'ordre.

Là-dessus, lors d'une conférence de presse au parlement, la vice-première ministre Chrystia Freeland, elle-même une ancienne journaliste, a clairement affiché son désaccord, sans toutefois prononcer elle non plus le nom du 45e président des États-Unis.

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

La vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland.

« Les journalistes ne sont pas les ennemis du peuple. Les journalistes sont au service du peuple. De par ma propre expérience au sein du gouvernement, je ne peux pas dire que j'accueille positivement chacune des questions que les journalistes me posent, ou encore à y répondre facilement », a-t-elle déclaré.

« Mais je suis absolument convaincue que la présence des journalistes qui demandent des comptes au gouvernement rend le gouvernement meilleur. La liberté de presse est un droit humain fondamental, et elle est un élément essentiel à une démocratie forte », a ajouté Mme Freeland.

Pendant ce temps, en Chambre, les chefs des différents partis condamnaient unanimement le racisme au Canada. Le leader de l'opposition officielle, Andrew Scheer, a dit espérer que les événements montrent qu'il s'agissait d'une réalité « douloureuse et inacceptable ».