(Ottawa) Après avoir reçu la visite d’un haut représentant américain venu étayer les doléances de Washington à l’endroit de Huawei, Ottawa n’a toujours pas décidé s’il permettra au géant chinois de participer au déploiement du réseau 5G.

Le ministre de la Sécurité publique Bill Blair s’est entretenu lundi avec Robert Blair, le représentant spécial de la Maison-Blanche en matière de politique internationale des télécommunications, dont la visite au pays avait été éventée par le Globe and Mail.

Questionné en Chambre au sujet de cette rencontre, le ministre a été avare de détails.

« Nous faisons le travail nécessaire pour nous assurer que tous les facteurs scientifiques et sécuritaires sont tenus en considération par nos alliés, incluant les représentants des États-Unis que j’ai rencontrés [lundi] matin », a-t-il argué pendant la période des questions.

Son bureau n’a été guère plus loquace. « Cette rencontre fait partie des conversations actuelles et continues avec les États-Unis concernant la sécurité nationale et les télécommunications continentales », s’est-on contenté d’offrir dans une déclaration écrite.

Le représentant américain a profité de son déplacement en sol canadien pour parler du dossier Huawei avec les chefs des partis d’opposition également, selon un compte rendu fourni par l’ambassade américaine, lundi.

« Il a discuté de l’importance d’une infrastructure de télécommunications de prochaine génération sécuritaire et fiable qui assurera et maintiendra la prospérité économique, la confidentialité des données [...] et le partenariat de défense entre les deux pays », a-t-on indiqué.

Les conservateurs s’impatientent

Dans le camp conservateur, où l’on réclame depuis plusieurs mois du gouvernement libéral qu’il interdise au réseau Huawei de participer au déploiement du réseau au pays, l’impatience ne cesse de grandir.

« Qu’attend le premier ministre pour bannir Huawei et assurer la protection des entreprises et des citoyens canadiens ? », a demandé en Chambre le député Pierre Paul-Hus, rappelant que le Canada est le seul pays des « Five Eyes » à n’avoir pas tranché.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le député conservateur Pierre Paul-Hus

Du même souffle, il a reproché au ministre de l’Innovation, Navdeep Bains, d’avoir signalé en entrevue avec CBC il y a quelques jours que le Canada « ne va pas prendre une décision en se faisant intimider par d’autres juridictions ».

« Ce n’est pas le temps de chercher des conflits avec nos alliés », a lancé Pierre Paul-Hus.

Du côté de Huawei, au contraire, on s’est réjoui de la déclaration du ministre Bains.

« Nous sommes encouragés par ses remarques, a écrit dans un courriel Alykhan Velshi, porte-parole de la division canadienne de la société. Il a dit clairement que le gouvernement fédéral ne se laissera pas intimider par l’administration Trump. »

Le Nouveau Parti démocratique n’a pas encore fait son lit sur l’enjeu de Huawei. « Nous voulons continuer à écouter les avis de spécialistes, nous ne voulons pas précipiter notre prise de position », a indiqué à La Presse le député Jack Harris.

Les « Five Eyes » regroupe cinq pays — le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, et la Nouvelle-Zélande — qui partage entre eux des renseignements sécuritaires.

Les Britanniques sont jusqu’à présent les seuls à avoir donné un feu vert — partiel — au géant chinois des télécommunications, fin janvier. La décision du gouvernement de Boris Johnson avait provoqué l’ire de l’administration de Donald Trump.

La décision canadienne se prendra sur fond de tensions diplomatiques avec Pékin.

Car les deux Canadiens arrêtés arbitrairement en Chine, Michael Spavor et Michael Kovrig, croupissent toujours en prison. Ils ont été épinglés quelques jours après l’arrestation, en sol canadien, et à la demande des États-Unis, de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou.