(Ottawa) Le Nouveau Parti démocratique (NPD) demande au gouvernement libéral de décréter un moratoire sur l’utilisation par la police fédérale d’un logiciel controversé de reconnaissance faciale.

L’entreprise américaine Clearview AI prétend que son logiciel permet aux corps policiers de comparer des images d’actes criminels à une immense banque d’images colligées dans le domaine public. Mais des reportages journalistiques ont soulevé des inquiétudes quant à savoir si l’entreprise, pour constituer sa banque d’images, recueillerait et utiliserait en fait des informations personnelles sans le consentement des internautes.

Le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, aux Communes, se penchera sur ce logiciel, tout comme le commissaire fédéral à la protection de la vie privée, en collaboration avec trois de ses homologues provinciaux, dont la Commission d’accès à l’information du Québec.

En attendant, le porte-parole du NPD en matière d’éthique, Charlie Angus, a appelé les libéraux, lundi, à interdire cette technologie au Canada jusqu’à ce que l’on en sache plus et que son utilisation fasse l’objet d’un contrôle judiciaire. « Aux États-Unis, de nombreuses municipalités interdisent l’utilisation de logiciels de reconnaissance faciale comme celui-ci, a-t-il soutenu dans un communiqué. Le gouvernement libéral devrait suivre cet exemple, au moins jusqu’à ce que nous sachions avec certitude qu’aucune loi n’a été enfreinte au Canada. »

M. Angus, qui est membre du comité des Communes chargé de se pencher sur le logiciel, demande aussi aux libéraux d’expliquer pourquoi la Gendarmerie royale du Canada (GRC) « avait d’abord nié son utilisation à plusieurs reprises, pour finalement dire la vérité ».

« Ce logiciel utilisé par la GRC et les forces de police de tout le pays est géré par une société américaine qui a consolidé une base de données de milliards de photos de Canadiennes et Canadiens, soutient M. Angus. C’est une grave atteinte à la vie privée au Canada. Il incombe au ministre de la Sécurité publique de dire la vérité à la population. »

La GRC et plusieurs autres corps policiers au Canada ont confirmé qu’ils avaient utilisé le logiciel de Clearview AI. La police fédérale a admis récemment qu’elle avait utilisé la reconnaissance faciale dans 15 cas de crimes à caractère sexuel publiés en ligne ; la GRC soutient que cette technologie avait permis de remonter jusqu’à deux enfants victimes. La GRC a également essayé la technologie « pour déterminer son utilité dans des enquêtes criminelles ».

Le député Angus, qui qualifie la technologie de « dystopique », a déclaré qu’il devrait y avoir des règles en place pour régir quand et comment la police utilise la reconnaissance faciale. « Le potentiel d’abus est énorme », a-t-il déclaré. « Il est très clair que ce n’est pas de la science-fiction : c’est la réalité. Nous devons donc arrêter cette technologie dès maintenant, l’arrêter net et établir des règles de base. » Il a comparé cet éventuel encadrement aux règles que la police doit suivre si elle veut faire de l’écoute électronique.