(Dakar) Le premier ministre Justin Trudeau est arrivé mardi au Sénégal pour une visite officielle qui mettra à l’épreuve son engagement envers l’égalité des genres avec l’un des plus proches partenaires francophones du Canada sur le continent africain.

M. Trudeau rencontrera le président, Macky Sall, et fera un pèlerinage éclair sur l’île de Gorée, dans la baie de Dakar, qui était autrefois la dernière étape africaine pour des esclaves noirs emmenés vers l’Amérique.

PHOTO TOBIAS SCHWARZ, AFP

Le président sénégalais Macky Sall

Le recteur de la faculté des sciences politiques de l’Université Dalhousie, David Black, qui étudie le rôle du Canada en Afrique subsaharienne, rappelle que M. Trudeau pourra s’appuyer sur les liens de longue date entre le Sénégal et le Canada, tissés principalement grâce à la langue française.

Le professeur Black note que le Sénégal n’est pas sans défis importants en matière de droits de la personne — l’homosexualité y est illégale et passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison, par exemple. Mais ce pays est considéré comme l’une des démocraties les plus stables du continent africain.

La visite mettra toutefois à l’épreuve l’engagement de M. Trudeau envers l’autonomisation des femmes et les droits de la personne, au moment où il cherche à obtenir le soutien du président Sall — et d’autres pays africains — pour la candidature du Canada à un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

Le cabinet du premier ministre a d’ailleurs annoncé mardi que M. Trudeau se rendra à la Barbade lundi et mardi prochains pour participer à la Conférence des chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), qui regroupe 15 États membres et cinq membres associés. Comme il l’avait fait en Éthiopie en marge du sommet de l’Union africaine, la fin de semaine dernière, M. Trudeau aura alors l’occasion de rencontrer en quelques jours plusieurs dirigeants, réunis à Bridgetown pour le sommet de la CARICOM.

Le Canada, la Norvège et l’Irlande se disputent les deux sièges qui seront disponibles afin de remplacer pendant deux ans l’Allemagne et la Belgique dans le groupe « États d’Europe occidentale et autres ». Le scrutin à l’Assemblée générale de l’ONU aura lieu en juin. Le Canada a siégé pour la dernière fois au Conseil de sécurité il y a 20 ans, en 2000. Dix ans plus tard, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a perdu sa campagne pour décrocher un nouveau siège — le Canada a retiré sa candidature avant le deuxième tour, pour éviter l’embarras d’une défaite prévisible.

Ménager les susceptibilités

Au cours de sa visite de trois jours en Éthiopie, M. Trudeau a semblé réticent à soulever publiquement la question des droits de la personne et des violations démocratiques avec les dirigeants qu’il a rencontrés en marge du sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba.

La violence fondée sur le genre est un problème majeur au Sénégal — le viol est devenu une infraction criminelle dans ce pays le mois dernier seulement. La campagne internationale anti-pauvreté « ONE » aimerait que M. Trudeau soulève la question de la violence fondée sur le genre avec le président Sall.

Jacqueline O’Neill, la toute première ambassadrice du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité, accompagne le premier ministre en Afrique. Ce nouveau poste a été créé en juin 2019 pour faire avancer la politique étrangère féministe du gouvernement libéral. Mme O’Neill a participé à l’élaboration de politiques sur le genre et la sécurité pour l’OTAN, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et les Nations unies.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre Justin Trudeau et la toute première ambassadrice du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité, Jacqueline O’Neill

Des notes d’information préparées pour M. Trudeau montrent clairement que les femmes et les filles font face à des obstacles importants en Afrique subsaharienne.

« La participation politique des femmes et la scolarisation des filles dans l’enseignement primaire se sont améliorées, mais les femmes et les filles africaines sont toujours confrontées à des obstacles juridiques discriminatoires, à un accès inégal aux ressources et à la violence sexuelle et sexiste », explique une note au premier ministre.

« Le Canada appuie les efforts visant à promouvoir une gouvernance inclusive et le respect des droits de la personne en Afrique subsaharienne, en particulier pour les femmes, les filles et les autres groupes marginalisés », peut-on lire également.