(Québec) Le gouvernement Legault veut accroître le nombre de policiers autochtones et assurer leur perfectionnement. Québec couvrira les frais d’inscription à l’École nationale de police pour 24 aspirants policiers issus des Premières Nations chaque année.

Le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, puise à nouveau dans le budget de 200 millions réservé à la mise en œuvre des recommandations de la commission Viens, et débourse 18,6 millions sur cinq ans pour soutenir les corps policiers autochtones de la province.

Un premier montant de 15 millions avait été allongé en novembre pour la sécurisation culturelle des autochtones en milieu hospitalier dans la foulée de la mort de Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette.

Les mesures annoncées vendredi par M. Lafrenière, qui était accompagné de la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, et de la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, visent à former plus de policiers membres des Premières Nations et rendre leur travail, au sein des corps policiers autochtones, beaucoup plus attractif.

Le chef de police du Service de police mohawk d’Akwesasne et vice-président de l’Association des chefs de police des Premières Nations et des Inuits, Shawn Dulude, qui a participé à l’annonce, prétend que le soutien de Québec est « un pas de géant » qui permettra « d’offrir des services plus spécialisés » aux communautés.

Québec payera les frais d’inscription — qui peuvent aller entre 25 et 30 000 $ — à l’École nationale de police pour deux cohortes de 12 étudiants autochtones par année, pour cinq ans. Une « stratégie nationale » de communications sera aussi lancée pour recruter des candidats. Environ 3 % des finissants de l’École nationale de police du Québec sont autochtones, a-t-on indiqué. « C’est très peu », a souligné Mme Guilbault.

On veut aussi accroître l’accès des policiers autochtones à la formation, souvent dispensée dans les centres urbains ou à l’École nationale elle-même. Il devient difficile pour des petites équipes de libérer des policiers pour se perfectionner alors que les ressources manquent sur le terrain, a illustré M. Dulude. La formation sera donc « délocalisée » pour être offerte dans les communautés.

Plus de 4 millions seront consacrés à la mise à jour des compétences en matière de violence conjugale et familiale, d’exploitation sexuelle sur les mineurs ainsi qu’en enquête. « Historiquement, les enquêtes de plus grande envergure, comme agression sexuelle ou agression grave, il y a toujours une demande d’assistance à la Sûreté du Québec », a indiqué M. Dulude.

« Avec cette formation spécialisée, à notre demande, ce qu’on voulait c’est que nos enquêteurs, nos policiers puissent recevoir la même formation pour pouvoir localement faire les enquêtes jusqu’à un certain point. C’est facilitant pour la victime de parler aux policiers qu’elle connaît mieux, la barrière n’est pas là. Quand on demande l’assistance de la Sûreté, les gens ont tendance à se replier sur eux-mêmes », a-t-il ajouté.

D’ailleurs, la ministre Charest a annoncé un montant de 1,2 million pour favoriser la mise sur pied d’initiative « par et pour » les femmes et les filles autochtones afin de lutter contre les violences sexuelles.

Geneviève Guilbault affirme que les annonces de son gouvernement vendredi répondent « en tout ou en partie » à une vingtaine de recommandations du rapport Viens et de celui de l’Enquête nationale sur les femmes et les femmes autochtones disparues et assassinées en matière de sécurité publique.

Québec veut également prévoir l’embauche d’un agent de liaison autochtone au bureau du Commissaire en déontologie et du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, nommer un policier issu des Premières Nations sur l’Équipe mixte de lutte contre l’exploitation sexuelle. Une formation sur les réalités autochtones sera aussi dispensée aux agents des services correctionnels.

Réaliser un état de situation

Québec réserve aussi 4,1 millions pour réaliser un vaste état de situation des corps policiers autochtones pour mieux évaluer leur besoin. Pour l’heure, il est difficile d’avoir un portrait réel alors que la situation varie d’une communauté à l’autre. Il est même hasardeux d’estimer combien a-t-on besoin de policiers dans les 22 corps de police autochtones. « Il faut faire un vrai état des lieux », a résumé Mme Guilbault.

« La table est mise », a souligné à ce sujet M. Dulude alors que des discussions sur le financement des corps de police autochtones sont à venir avec Québec et Ottawa. « On est conscient qu’on est le petit frère de la police au Québec, malheureusement c’est ça, et puis on espère être concurrentiel et être financé au même niveau qu’un corps policier municipal ou la Sûreté du Québec », dit-il.