(Québec) Le gouvernement Legault a annoncé jeudi un train de mesures pour resserrer le « filet de sécurité » autour des femmes victimes de violence conjugale. Québec évaluera aussi l’utilisation de bracelets électroniques pour tenir à distance les conjoints violents.

La ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, et la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, ont détaillé jeudi leur plan d’action des cinq prochaines années pour lutter contre la violence conjugale. Leurs visées s’accompagnent d’une enveloppe de 180 millions annoncée lors de la présentation du budget Girard, en mars 2020.

« Vous n’êtes pas seules », a lancé la ministre Isabelle Charest, s’adressant aux victimes de violence conjugale ainsi qu’à leurs proches. « Je sais qu’aller chercher de l’aide est extrêmement difficile et que, pour certaines d’entre vous, la pandémie a empiré la situation. Je veux vous rappeler que du soutien existe et qu’il y a plusieurs personnes qui ne demandent qu’à vous aider », a ajouté la ministre en conférence de presse.

Québec ne cache pas avoir « vraiment ciblé l’état de dangerosité » de la violence conjugale. François Legault avait d’ailleurs confié à Isabelle Charest le mandat de coordonner un plan d’action contre la violence conjugale, dans la foulée du triple meurtre suivi d’un suicide dans le quartier Pointe-aux-Trembles, à Montréal, le 10 décembre 2019.

Une étude de faisabilité est lancée sur l’utilisation de bracelets électroniques pouvant signaler, par exemple, qu’un conjoint violent soumis à une ordonnance du tribunal s’approche du domicile d’une victime. Il s’agit d’une technologie utilisée notamment en France. « Ça vient évidemment avec des coûts, avec des enjeux juridiques », a précisé Mme Guilbault.

Donc, on va regarder tout ce qui s’est fait et évaluer la possibilité de l’implanter ici, et, si oui, de quelle façon on pourrait le faire.

Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique

C’est une avenue qui intéresse le gouvernement depuis quelques mois déjà. Les partis de l’opposition y sont aussi favorables.

En entrevue avec La Presse, en février dernier, la ministre de la Justice de l’époque, Sonia LeBel, avait émis certains bémols à l’utilisation de ce genre de technologie, rappelant que cela « découle du Code criminel » et que ce serait donc au fédéral de « le mettre en action ». Elle affirmait aussi qu’il serait difficilement justifiable d’imposer un tel bracelet avant une condamnation parce qu’il s’agit d’une « privation de liberté ».

Cellule de crise et sécurité

Le gouvernement Legault ajoute aussi des « cellules d’intervention rapide » dans six nouvelles régions, en plus de consolider les cellules existantes, inspirées du modèle AGIR à Laval.

Chaque cellule crée un filet de sécurité autour de la victime, de l’auteur de violence conjugale et des proches concernés. C’est une mesure qui rencontre vraiment de très beaux succès.

Isabelle Charest, ministre responsable de la Condition féminine

Le Service d’évaluation des conjoints violents au stade de la mise en liberté provisoire, qui peut permettre à un juge de « prendre une décision plus éclairée » au moment de la remise en liberté d’un individu, sera étendu au Saguenay–Lac-Saint-Jean, aux Laurentides et à la Montérégie. Des outils d’information seront aussi mis à la disposition des policiers pour mieux comprendre la problématique de la violence conjugale.

Une somme de 9 millions sera allouée au démarrage de ces mesures liées à la Sécurité publique. Une trousse virtuelle à l’intention du personnel des CPE sera produite pour mieux repérer les enfants à risque de subir de la violence dans un contexte de violence conjugale. Un service juridique d’urgence pour déterminer les droits de garde d’enfants sera mis sur pied.

Aide aux maisons d’hébergement

La part du lion, quelque 120 millions, ira aux maisons d’aide et d’hébergement. Une tranche additionnelle de 6 millions doit servir à l’amélioration et la rénovation des infrastructures existantes. Québec estime que ces sommes permettront de « rehausser » le réseau des maisons d’aide et d’hébergement et de renforcer les services des maisons de « deuxième étape ».

Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale voit d’un bon œil l’annonce du gouvernement Legault.

Par contre, les sommes incluses dans le budget ne sont pas représentatives de nos besoins.

Chantal Arsenault, présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

Les investissements serviront à « consolider » les conditions de travail des intervenantes dont le recrutement et la rétention sont « excessivement difficiles ».

L’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale a salué la « réactivité particulièrement rapide du gouvernement », mais déploré que le financement pour la construction de nouvelles ressources « se [fasse] toujours attendre ». Selon les statistiques de l’Alliance, le taux de refus des demandes admissibles est de 75 % à Montréal, et de 37 % dans les autres régions où le service existe.

« L’annonce d’aujourd’hui est un pas dans la bonne direction, mais je suis consciente qu’il reste du travail à faire. Beaucoup de femmes et d’enfants ont encore besoin de nous », a affirmé Mme Charest. Des propos que Mme Arseneault accueille avec optimisme pour la suite.