(Ottawa) Le porte-parole conservateur en matière de finances, Pierre Poilievre, affirme que la relance de l’économie canadienne après la pandémie de COVID-19 ne sera pas possible sans une refonte en profondeur du système d’imposition et des règles fiscales.

Et il est tout à fait conscient que les lecteurs bâillent en lisant cela.

Mais le pitbull parlementaire de l’opposition officielle soutient qu’au-delà de tout l’éclat qui enrobe la promesse libérale de « reconstruire mieux », la réalité reste que ces idées sont insoutenables si le système économique du pays n’est pas profondément modifié.

« On n’a pas besoin de régimes de subventions pour soutenir les entreprises qui comptent sur d’éternels sauvetages aux frais des contribuables », a-t-il déclaré en entrevue téléphonique à La Presse Canadienne.

« Cela va seulement nous endetter davantage et tous les emplois temporaires qui seront créés vont disparaître quand on arrivera à la limite des moyens des contribuables », a-t-il ajouté.

Pierre Poilievre et d’autres commentateurs conservateurs se sont attiré certaines critiques pour avoir avancé la théorie que la stratégie de reprise économique post-pandémie des libéraux cacherait un sombre désir de refondre les systèmes sociaux et fiscaux au profit d’une certaine élite.

Ces allégations s’appuient sur un discours du premier ministre Justin Trudeau prononcé au printemps et portant sur la manière dont les leaders mondiaux pourraient agir pour corriger les failles de la société mises à nu par la pandémie.

« Cette pandémie nous offre l’opportunité d’une réinitialisation », a-t-il déclaré.

« C’est notre chance d’accélérer nos efforts prépandémie de réimaginer des systèmes économiques qui s’attaquent aux défis mondiaux comme l’extrême pauvreté, les inégalités et les changements climatiques », a-t-il poursuivi.

Pierre Poilievre dit ne pas regretter d’avoir donné cette impression du discours de Justin Trudeau. Selon lui, d’importantes questions doivent être posées au premier ministre sur les raisons pour lesquelles il dit voir une opportunité dans une pandémie aussi macabre.

Justin Trudeau a balayé les idées de « théories conspirationnistes » qu’il attribue à l’anxiété suscitée par la COVID-19. Un sentiment qui pousse les gens à chercher quelqu’un à blâmer.

Les libéraux ont fait l’objet de pressions pour régler de nombreux problèmes révélés par la pandémie, dont les conditions de vie dangereuses dans les centres de soins de longue durée, l’exploitation que subissent les travailleurs étrangers temporaires et la dure réalité que vivent ceux que l’on a appelés « travailleurs essentiels » depuis le début de la crise.

La pandémie a appris d’importantes leçons aux Canadiens à propos de la manière dont sont traités les plus vulnérables, a commenté M. Trudeau plus tôt cette semaine.

« Je crois que les Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement réagisse », a-t-il dit.

Toutefois, de l’avis de Pierre Poilievre trop de marottes libérales se trouvent justifiées par la pandémie.

Les libéraux sont de plus en plus distraits par « des rêveries à propos d’une certaine utopie qu’ils aimeraient créer ».

Interrogé à savoir si son parti est d’accord pour reconnaître l’existence des problèmes malgré les désaccords sur les solutions, M. Poilievre répond que les conservateurs voient les choses différemment. Il soutient que les libéraux parlent de réinitialisation pendant que les conservateurs veulent mettre fin à la « guerre contre le travail ».

« Il y a deux problèmes majeurs qui ressortent de la COVID-19 : le chômage massif qui détruit les revenus nécessaires à nos programmes, les chèques de paye de nos familles et la motivation des travailleurs », observe-t-il.

« Le deuxième, ce sont les niveaux d’endettement astronomiques des ménages, du gouvernement et des entreprises. »

Ces deux problèmes peuvent être corrigés par d’importantes créations d’emplois dans le secteur privé et cela n’est pas possible, croit M. Poilievre, avec la structure actuelle du système d’imposition.

« Les gens peuvent bâiller tant qu’ils veulent quand un conservateur parle du système d’imposition, mais il ne fait pas de doute qu’avec un système qui punit les entreprises et les travailleurs pour leur production, alors il devient financièrement avantageux pour tout le monde de se contenter d’importer des biens moins chers », analyse le porte-parole en matière de finances.

Sur une base individuelle, le système d’imposition pénalise certaines des personnes dont les vulnérabilités ont été révélées par la pandémie, selon le député de Carleton, les travailleurs pauvres.

Il s’appuie sur une étude du ministère des Finances, obtenu par La Presse Canadienne plus tôt cette année, selon laquelle les travailleurs dont les revenus annuels se situent entre 25 000 $ et 34 000 $ ont perdu 413 $ pour chaque tranche de 1000 $ supplémentaire gagnée. Il s’agit de la plus importante ponction fiscale parmi tous les niveaux de revenus.

Cette situation s’explique par la combinaison du taux d’imposition et du fait qu’en changeant de palier d’imposition, les gens perdent l’accès à divers programmes sociaux comme l’Allocation canadienne pour enfants.

En raison de ces pénalités, les travailleurs pourraient être incités à ne pas effectuer d’heures supplémentaires et d’autres pourraient même être tentés de renoncer au marché du travail, soulignaient les auteurs de l’étude. Une situation qui affecte particulièrement les personnes dont le revenu est moindre que leur conjoint, ce qui touche plus souvent les femmes.

Pierre Poilievre plaide depuis longtemps pour que le gouvernement mette fin à « la guerre contre le travail », un slogan récupéré récemment par le chef conservateur Erin O’Toole qui cherche à gagner des appuis chez les travailleurs syndiqués.

Les conservateurs ont passé beaucoup de temps à la période des questions pour lancer des attaques sur la hausse des prix de consommation dans les grandes chaînes, visant particulièrement les grandes entreprises canadiennes.

Il s’agit d’un important virage par rapport au précédent gouvernement conservateur qui a fait adopter des lois pour affaiblir les syndicats et réduire les impôts des grandes entreprises.

Pierre Poilievre prévient d’ailleurs les Canadiens de ne pas s’attendre à de nouvelles baisses d’impôts aux entreprises dans la prochaine plateforme électorale du Parti conservateur.