(Québec) Un vent de changement majeur risque de souffler fort dans les rangs du Parti libéral du Québec (PLQ) lors de la prochaine campagne électorale, en 2022, avec au moins une dizaine de départs anticipés parmi les 28 élus actuels.

Tout indique qu’il y aura plusieurs départs volontaires, en raison de l’âge et de longs états de services, auxquels pourraient s’ajouter quelques départs forcés.

Au moins deux élus libéraux seraient présentement sur le « hot seat », Gaétan Barrette et Lise Thériault, placés dans une position fragile les rendant susceptibles de se faire montrer la porte au terme du présent mandat.

C’est ce que révèle un coup de sonde mené au cours des derniers jours par La Presse Canadienne auprès de plusieurs députés libéraux, d’anciens députés et de proches du parti.

Lors de l’élection générale de 2022, sans donner dans l’âgisme, il reste que le tiers des membres du caucus libéral aura plus de 65 ans, un âge auquel on y pense deux fois avant de s’engager pour un autre mandat de quatre ans.

Officiellement, aucun député n’est prêt à ce moment-ci à annoncer qu’il ne sera pas sur les rangs. Mais en coulisses, à micro fermé, plusieurs sources, directes et indirectes, confirment que tout indique que la carrière politique de nombreux élus prendra fin en 2022.

Parmi ceux-ci, tous associés à l’ère Jean Charest (2003-2012), notons les anciens ministres Pierre Arcand (Mont-Royal–Outremont), qui aura 71 ans en 2022, Kathleen Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Christine St-Pierre (Acadie) et Nicole Ménard (Laporte).

Des membres du caucus libéral sont d’avis que la cheffe du parti, Dominique Anglade (Saint-Henri–Sainte-Anne), verrait d’ailleurs d’un bon œil tous ces départs, qui lui permettraient de « se dissocier » clairement de l’époque Charest, d’apporter « du sang neuf » et ainsi afficher l’image de renouveau qu’elle souhaite imposer à son parti pour regagner la faveur populaire.

D’autres noms s’ajoutent à la liste des départs estimés « probables » : l’ex-ministre des Finances Carlos Leitão (Robert-Baldwin), les ex-ministres Hélène David (Marguerite-Bourgeoys) et Francine Charbonneau (Mille-Îles), de même que les députés Jean Rousselle (Vimont) et David Birnbaum (D’Arcy-McGee).

Plus l’échéance électorale approchera, plus la direction du parti devra se positionner sur l’équipe qu’elle souhaite présenter à la population en 2022. On pourrait alors « suggérer » à certains députés de partir en douce, sans faire d’histoire, soit pour libérer certaines circonscriptions gagnantes à offrir à des candidats-vedettes ou tout simplement changer l’image du parti.

C’est le sort qui avait été réservé en 2018 à l’ancien député de Marquette, François Ouimet, qui avait dû à contrecœur laisser sa place à Enrico Ciccone. Le parti avait aussi tenté de tasser Francine Charbonneau, dans Mille-Îles, mais cette dernière avait réussi à résister aux pressions et s’était fait réélire. L’ex-ministre Jean-Denis Girard avait été moins chanceux : le parti a tenté de l’évincer, mais il s’est accroché et a été battu dans Trois-Rivières.

Le cas Gaétan Barrette

PHOTO HUGO-SEBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Gaétan Barrette

En 2022, c’est Gaétan Barrette (La Pinière) qui pourrait bien subir ce sort. Des sources fiables indiquent que des pressions s’exercent sur Mme Anglade, provenant de l’intérieur du caucus et de l’extérieur, pour qu’elle n’approuve pas son investiture, s’il veut être à nouveau candidat.

La présence médiatique jugée trop appuyée sur des sujets qui ne sont pas de son ressort et le style qualifié d’« abrasif » de l’ex-ministre de la Santé sont une source d’embarras et d’irritation pour certains députés, qui s’en plaignent ouvertement à la cheffe.

Lors d’une rencontre récente entre Mme Anglade et d’anciens parlementaires, le message lancé à la cheffe était de la même eau : Gaétan Barrette nuit à l’image du parti.

On ignore pour l’instant les intentions de M. Barrette, qui aura 66 ans en 2022.

Le cas Lise Thériault

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Lise Thériault

Le sort d’une autre députée paraît incertain, mais pour d’autres raisons.

Les relations houleuses entre la députée d’Anjou–Louis-Riel, Lise Thériault, et Dominique Anglade font la manchette depuis des années. Leur rivalité avait atteint un point culminant, en 2017, quand les deux ministres se partageaient les dossiers économiques et que Mme Thériault avait menacé de démissionner, se sentant traitée de façon injuste.

Dans les rangs libéraux, plusieurs tiennent pour acquis qu’avec ses longs états de services, Mme Thériault va tirer sa révérence. Une source affirme que si elle ne quitte pas de son plein gré, elle se fera montrer la porte, en raison des tensions avec la cheffe. Mais une autre source soutient que c’est bien mal connaître Lise Thériault, en croyant qu’elle céderait sa place le sourire aux lèvres, si jamais on essayait de la tasser.

Interpellée à ce sujet, la principale intéressée se dit persuadée « que ça n’arrivera pas », que personne ne va oser la chasser. Figure connue et appréciée au sein du parti, fière doyenne de l’Assemblée nationale — un titre qu’elle partage avec le premier ministre François Legault – Mme Thériault a bien l’intention d’être candidate en 2022, pour la huitième fois !

« J’ai juste 54 ans. Je n’ai aucune raison de me retirer », affirme Mme Thériault, catégorique, en entrevue téléphonique. Si elle est réélue, l’ancienne vice-première ministre pourrait devenir la seule rescapée du cabinet Charest.

Mme Thériault, qui avait refusé d’appuyer Mme Anglade lors de la course au leadership, se rangeant rapidement dans le camp d’Alexandre Cusson, nie toutes les rumeurs passées de rivalité ou d’animosité avec sa cheffe, soutenant au contraire entretenir « de très bonnes relations avec elle ».

Oui, non, peut-être

Une autre députée ayant une longue feuille de route, la députée de Hull, Maryse Gaudreault, en poste depuis 2008, croit, pour l’instant du moins, qu’elle aura le goût de réclamer un autre mandat en 2022. Ce serait le cas aussi de Filomena Rotiroti (Jeanne-Mance–Viger), elle aussi de la cuvée 2008.

Élue lors d’une élection complémentaire en 2016, il est acquis que l’ex-ministre Isabelle Melançon (Verdun) sera sur les rangs en 2022.

Quant à elle, la députée de Saint-Laurent, Marwah Rizqy, préfère pour l’instant ne pas se projeter dans l’avenir, refusant de s’engager dans un sens ou dans l’autre.

Même constat pour la députée de Maurice-Richard, l’ex-ministre Marie Montpetit.

Des sources au sein du caucus s’attendent à voir la plupart des autres députés tenter leur chance une nouvelle fois en 2022. Ils représentent tous des circonscriptions de la région montréalaise, sauf André Fortin (Pontiac), en Outaouais.

Il s’agit d’Enrico Ciccone (Marquette), Frantz Benjamin (Viau), Gregory Kelley (Jacques-Cartier), Monsef Derraji (Nelligan), Jennifer Maccarone (Westmount–Saint-Louis), Saul Paulo (Laval-des-Rapides), Marie-Claude Nichols (Vaudreuil), Monique Sauvé (Fabre), Paule Robitaille (Bourassa-Sauvé) et Marc Tanguay (Lafontaine).