Je ne veux pas gâcher la fête à l’avance, mais il y a un mot qu’on a oublié un peu vite jeudi dans l’annonce du gouvernement Legault. Un petit « si » qui en disait gros sur le pari de cette opération pour sauver Noël.

« Si » l’évolution de l’épidémie le permet, les partys de Noël seront permis du 24 au 27 décembre. Ce « si » n’a pas été clairement défini – on présume que le facteur décisif sera la capacité hospitalière à traiter les malades. Mais il y a bel et bien un « si ».

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

« L’Opération Noël ressemble plutôt à l’idée d’un politicien intuitif qui sent que sa population a besoin d’un peu de lumière en décembre, écrit notre chroniqueur. C’est d’abord un pari politique. »  

Comme le DHoracio Arruda l’a reconnu, la situation est « fragile mais stable ». Il y a peu de marge de manœuvre dans les hôpitaux dans l’éventualité d’une hausse des cas. Et il reste encore cinq semaines avant Noël. Cinq semaines lourdes en imprévus.

Ça devrait bien aller, mais ce n’est pas certain non plus…

François Legault s’est donné un objectif qu’il ne contrôle pas entièrement. C’est son pari de Noël.

Le premier ministre savait très bien ce qu’il faisait. Il a fait monter les attentes, et c’était son but. Après des mois de fatigue covidienne et plusieurs autres mois encore à endurer, la santé mentale des Québécois se fragilise et leur motivation à respecter les consignes diminue.

M. Legault voulait rassembler la population autour d’un objectif commun. D’où son « contrat moral » avec la population : continuez de respecter les consignes et faites un confinement volontaire avant et après Noël, en échange du droit de vous voir en famille.

M. Legault reprenait le ton un peu paternel de ses premiers discours à la nation au début de la pandémie. Ce n’est pas un reproche, loin de là. La crainte d’une punition n’est pas la seule façon de motiver les gens. On peut aussi leur parler de leurs devoirs. Les convaincre qu’en adhérant aux consignes, ils participent à un effort collectif qui les dépasse.

Par contre, je ne peux pas m’empêcher d’y voir une ironie. Si les fêtes seront permises, c’est entre autres parce que Québec s’y est résigné, en sachant que bien des gens auraient violé l’interdiction de toute façon. Et maintenant, on fait appel à leur solidarité.

Le mois de janvier est déjà le plus achalandé dans les hôpitaux. Une pression additionnelle risque fort de s’exercer avec la hausse du nombre des cas prévue. Car c’est inévitable, les Fêtes feront augmenter le nombre de cas.

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Reste qu’on a évité le pire.

Le scénario présenté jeudi était de loin le plus raisonnable. M. Legault a renoncé à permettre les rassemblements pour le Nouvel An. Cela limite la propagation du virus et, surtout, cela empêche de devoir annuler une semaine d’école au début de janvier.

Il aurait été odieux de faire porter le poids de ces fêtes par les élèves. Les troubles psychologiques et les retards d’apprentissage s’accumulent déjà. Et de toute façon, les écoles ne sont même pas la principale source de contagion. Si on prétend que l’éducation est la priorité, il faut être conséquent.

Bien sûr, il est fort de prétendre que l’enseignement se fera à distance sans problème entre le 17 et le 23 décembre. On comprend les profs du primaire de se demander comment ils feront pour garder un enfant de 9 ans attentif toute la journée devant son écran. Il ne s’agira toutefois que de deux à quatre journées et, de toute façon, les cours de la fin de décembre ne sont pas les plus chargés en apprentissages.

La pression tombe maintenant sur le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé. Le succès de cette Opération Noël ne dépend pas que de la discipline des Québécois ; il passe aussi par une amélioration massive du dépistage et du traçage.

Coïncidence, le Canada a reçu cette semaine une mise en garde d’une sommité en la matière, le DAnthony Fauci, qui dirige depuis quatre décennies l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses des États-Unis.

En entrevue avec la CBC, il a rappelé que le virus se propageait dans les domiciles, parfois à cause de personnes asymptomatiques. Il exhorte donc à tester aussi les gens qui n’ont pas de symptômes. Mais pour cela, il faut avoir assez de personnel et d’équipement.

Comme d’habitude, Québec a validé son plan Noël avec la Santé publique. Le DArruda l’appuie. Mais on imagine difficilement qu’il s’agissait d’une recommandation faite à son initiative.

L’opération ressemble plutôt à l’idée d’un politicien intuitif qui sent que sa population a besoin d’un peu de lumière en décembre. C’est d’abord un pari politique.

Et ce sera aussi un redoutable test pour la capacité du gouvernement à mobiliser les gens et à améliorer la capacité de dépistage et de retraçage.

Sinon, l’hiver risque de durer longtemps.