(Ottawa) La députée libérale d’arrière-ban Emmanuella Lambropoulos fait marche arrière après avoir remis en question l’existence d’un recul de la langue française au Québec.

« Je reconnais qu’il y a un déclin du français et j’aimerais aider à trouver des moyens de protéger davantage la langue française », peut-on lire samedi dans une déclaration publiée sur le compte Twitter de l’élue, dont des propos formulés la veille au comité permanent des langues officielles ont fait sourciller.

La « question insensible », qu’elle dit regretter d’avoir posée lors de cette réunion, était destinée au commissaire aux langues officielles Raymond Théberge.

« Nous entendons – je ne veux pas qualifier cela de mythe ; je vais laisser le bénéfice du doute – nous entendons que la langue française est en déclin au Québec. J’ai entendu cela à plusieurs reprises. J’ai besoin de le voir pour le croire », a-t-elle déclaré d’entrée de jeu dans son intervention en anglais.

Après avoir invité son interlocuteur à analyser ce qui pourrait se cacher derrière cette « conception », elle conclut avec cette question : « Qu’est-ce qui contribue selon vous à ce déclin du français au Québec ? » En prononçant le mot « déclin », elle fait le geste de tracer des guillemets (air quotes).

Le commissaire Raymond Théberge ne s’attarde pas à l’enjeu du déclin dans la réponse qu’il fournit au comité.

Aux antipodes de la position libérale

Par ces propos, la députée va carrément à l’encontre du message du gouvernement Trudeau.

Car non seulement la ministre responsable des langues officielles, Mélanie Joly, a été catégorique quant au recul de la langue française au Québec, dans une entrevue accordée à La Presse, mais en plus, le gouvernement Trudeau a pris soin de rappeler sa fragilité dans le discours du Trône, évoquant l’importance de « reconnaître que la situation du français est particulière ».

« Le gouvernement a donc la responsabilité de protéger et de promouvoir le français non seulement à l’extérieur du Québec, mais également au Québec », est-il écrit dans l’allocution lue en septembre dernier par la gouverneure générale du Canada, Julie Payette.

« Allez vous promener sur Sainte-Catherine ! »

Le chef de l’opposition officielle, Erin O’Toole, ne s’est pas privé de souligner à grands traits la contradiction entre cette sortie de la députée et la position officielle du gouvernement libéral. Il a coiffé d’une boutade la vidéo de l’intervention en comité qu’il a relayée sur Twitter, samedi.

« La prochaine fois que Justin Trudeau va prétendre défendre la langue française, rappelez-vous des questions qu’il demande à ses députés québécois de poser au comité sur les langues officielles », a gazouillé le conservateur.

Le député bloquiste Denis Trudel, qui était porte-parole du Mouvement Montréal français avant de faire le saut en politique fédérale, avait exprimé sa stupéfaction sur le même réseau social dès vendredi soir, alors que la vidéo commençait à circuler sur l’internet.

« Chère @emlambropoulos, allez simplement vous promener sur Ste-Catherine en fds. Vous n’y serez pas trop déstabilisée, on accourra pour vous servir dans votre langue. On fera des pieds et des mains pour éviter la seule langue officielle du Québec ! », a-t-il ironisé.

Dans un rapport portant sur l’évolution de la situation linguistique au Québec publié en avril 2019, l’Office québécois de la langue française (OQLF) concluait que l’usage du français comme langue d’accueil unique dans les commerces de l’île de Montréal avait chuté de 84 % à 75 % comparativement à 2010.

En revanche, on y soulignait que « l’attraction du français chez les personnes allophones arrivées récemment s’accentue progressivement » et que « depuis 2007, les anglophones de l’île de Montréal utilisent davantage le français dans l’espace public ».

La ministre Mélanie Joly travaille depuis de nombreux mois sur une modernisation de la Loi sur les langues officielles. Le projet de loi sur lequel elle planche, qui a nécessité une foule de consultations avec les parties prenantes dans ce dossier, n’a pas encore été déposé.